Que notre ardeur claire et belle vainc l’habitude,
Mégère à lourde voix, dont les lentes mains rudes
Usent l’amour le plus tenace et le plus fort.
Je te regarde, et tous les jours je te découvre,
Tant est intime ou ta douceur ou ta fierté :
Le temps, certe, obscurcit les yeux de ta beauté,
Mais exalte ton coeur dont le fond d’or s’entr’ouvre.
Tu te laisses naïvement approfondir,
Et ton âme, toujours, paraît fraîche et nouvelle ;
Les mâts au clair, comme une ardente caravelle,
Notre bonheur parcourt les mers de nos désirs.
C’est en nous seuls que nous ancrons notre croyance,
A la franchise nue et la simple bonté ;
Nous agissons et nous vivons dans la clarté
D’une joyeuse et translucide confiance.
Ta force est d’être frêle et pure infiniment ;
De traverser, le coeur en feu, tous chemins sombres,
Et d’avoir conservé, malgré la brume ou l’ombre,
Tous les rayons de l’aube en ton âme d’enfant.
Les heures d’après-midi
Emile Verhaeren