Et la même origine, ô Saxons, est la nôtre !
Et nous sommes sortis du même flanc profond !
La Germanie avec la Gaule se confond
Dans cette antique Europe où s’ébauche l’histoire.
Croître ensemble, ce fut longtemps notre victoire ;
Les deux peuples s’aidaient, couple heureux, triomphant,
Tendre, et Caïn petit aimait Abel enfant.
Nous étions le grand peuple égal au peuple Scythe ;
Et c’est de vous, Germains, et de nous, que Tacite
Disait : – Leur âme est fière. Un dieu fort les soutient.
Chez eux la femme pleure et l’homme se souvient. –
Si Rome osait risquer ses aigles dans nos landes,
Les Celtes entendaient l’appel guerrier des Vendes,
On battait le préteur, on chassait le consul,
Et Teutatès venait au secours d’Irmensul ;
On se donnait l’appui glorieux et fidèle
Tantôt d’un coup d’épée et tantôt d’un coup d’aile ;
Le même autel de pierre, étrange et plein de voix,
Faisait agenouiller sur l’herbe, au fond des bois,
Les Teutons de Cologne et les Bretons de Nante ;
Et quand la Walkyrie, ailée et frissonnante,
Traversait l’ombre, Hermann chez vous, chez nous Brennus,
Voyaient la même étoile entre ses deux seins nus.
Allemands, regardez au-dessus de vos têtes,
Dans le grand ciel, tandis qu’acharnés aux conquêtes,
Vous, Germains, vous venez poignarder les Gaulois,
Tandis que vous foulez aux pieds toutes les lois,
Plus souillés que grandis par des victoires traîtres,
Vous verrez vos aïeux saluer nos ancêtres.
L’année terrible
Victor Hugo