Le soir, quand paraît la première étoile,
Les coeurs de tous ceux qui sont morts d’amour
Viennent vers la terre et fendent le voile
Qui les cache aux yeux des vivants, le jour.
Alors, dans la nuit brune et fantastique,
Leur sang meurtri pleut et retombe en pleurs
Sur l’herbe, troublant la mélancolique
Chanson de sanglots du vent dans les fleurs.
Et les coeurs en peine, et les pauvres coeurs
Dansent dans les airs la valse mystique !…
Ils accourent tous !… le coeur du poète
Et de son amante aux yeux langoureux,
Le coeur de l’éphèbe à la blonde tête,
Le coeur torturé des vieux amoureux,
Le coeur de la vierge aimante et pudique,
Le coeur de la femme aux baisers trompeurs,
Ils accourent tous !… pris d’un nostalgique
Besoin de revoir le val des douleurs.
Et les coeurs en peine, et les pauvres coeurs
Dansent dans les airs la valse mystique ! …
Ils tournent noyés dans des flots d’extase,
Parmi des parfums lourds et capiteux
Tandis que la lune au front de topaze
Etincelle au fond du ciel nébuleux ;
Et leur tourbillon noir et magnétique
Poursuit son chemin, semant des lueurs
D’or en fusion dans la magnifique
Splendeur de l’espace aux vagues pâleurs.
Et les coeurs en peine, et les pauvres coeurs
Dansent dans les airs la valse mystique !…
Mais, sitôt que perce un clair rayon d’aube
Et qu’un chant d’oiseau bruit dans le vallon,
Leur essaim léger au loin se dérobe
Et plus rien !… alors, plaintifs, ils s’en vont,
Pour rentrer, passer sous le grand portique
D’azur diaphane enlacé de fleurs
D’opale où le Dieu calme et pacifique
Dénombre, un par un, le troupeau des coeurs.
Et le lendemain, tous les pauvres coeurs
Reviennent danser la valse mystique.
Poèmes
Gaston Couté