Tes pensées agitées
Sont pareilles aux drapeaux
Qui vibrent au vent
Parole de témoin
Je t'imagine arborant
Un chapeau ridicule
Comme les dames en portaient
Naguère
Avec une voilette et des plumes
Ou sous la perruque poudrée d'un prince
Ou la tête prisonnière
D'un casque de scaphandrier
Tout près de toi
Presque à tes pieds
Quelques moineaux
Viennent se rouler
Dans la poussière
Tu les entends piailler
Tu crois qu'ils parlent de toi
Qu'ils se disent
Le grand poète que voilà
Mais un poète c'est quoi
C'est un collectionneur
Des nuits blanches d'un monde endolori
De bouteilles à moitié vides
Dont l'autre moitié
Est cependant remplie
C'est l'analyste de rien
C'est le roi des voyeurs
C'est un colleur d'affiches
Sur les routes de France
Au petit matin
C'est la vague écumeuse
Qui se meurt
Sur un rivage incertain
Un poète c'est quoi
C'est la blancheur d'un lilas
Qui se teinte de brun
Parce que la saison
Avance à grands pas
C'est un chanteur sans voix
Une machine à écrire dépourvue de clavier
Une serrure rouillée
Irréparable
C'est prouvé
Mais le poète aussi
C'est la clé hors d'usage
Le révolté qui enrage
Ou Booz endormi
Noé dans l'ivresse
Le pendu du tarot
Le pape et tout la fois
La papesse
Le poète c'est encore
Un souffle d'air frais
Ou d'haleine fétide
Au gré des saisons
C'est du fond du ciel
Un râle sonore
Un levier qui soulève
Les mots lourds comme les pierres
Et provoque
Et titille
Et se moque
Et puis s'en va crever
De l'autre côté
De l'horizon
© Jacques Herman – 2007