(in Mes propriétés)
En sortant, je m’égarai. Il fut tout de suite trop tard pour reculer. Je me trouvais au milieu d’une plaine. Et partout circulaient de grandes roues. Leur taille était bien cent fois la mienne. Et d’autres étaient plus grandes encore.Pour moi, sans presque les regarder, je chuchotais à leur approche, doucement, comme à moi-même :
” Roue, ne m’écrase pas… Roue, je t’en supplie, ne m’écrase pas… Roue, de grâce, ne m’écrase pas. ” Elles arrivaient, arrachant un vent puissant, et repartaient.
Je titubais. Depuis des mois ainsi : ” Roue, ne m’écrase pas… Roue, cette fois-ci, encore, ne m’écrase pas. ” Et personne n’intervient ! Et rien ne peut arrêter ça ! Je resterai là jusqu’à ma mort.
Textes poétiques
Henri Michaux