Sous la douce et fragile lumière,
Herbes frêles, rameaux tendres, roses trémières,
Et l’ombre qui les frôle et le vent qui les noue,
Et les chantants et sautillants oiseaux
Qui follement s’essaiment,
Comme des grappes de joyaux
Dans le soleil,
Tout ce qui vit au beau jardin vermeil,
Ingénument, nous aime ;
Et nous,
Nous aimons tout.
Nous adorons le lys que nous voyons grandir
Et les hauts tournesols plus clairs que le Nadir
– Cercles environnés de pétales de flammes –
Brûlent, à travers leur ardeur, nos âmes.
Les fleurs les plus simples, les phlox et les lilas,
Au long des murs, parmi les pariétaires,
Croissent, pour être proches de nos pas ;
Et les herbes involontaires,
Dans le gazon où nous avons passé,
Ouvrent les yeux mouillés de leur rosée.
Et nous vivons ainsi avec les fleurs et l’herbe,
Simples et purs, ardents et exaltés,
Perdus dans notre amour, comme dans l’or, les gerbes.
Et fièrement, laissant l’impérieux été
Trouer et traverser de ses pleines clartés
Nos chairs, nos coeurs, et nos deux volontés.
Les heures d’après-midi
Emile Verhaeren