Que mon espoir est faible et ma raison confuse !
C'est bien hors de propos,
Brûlant comme je fais, que mon esprit s'amuse
À chercher du repos.
Les remèdes plus doux qui touchent à ma plaie
Irritent ma douleur,
Et je suis en fureur quand mon discours s'essaie
De ruiner mon malheur.
Car un si cher ennui combat ma violence,
Je meurs si doucement
Que pour me secourir je ferais conscience
De parler seulement.
Philis, dans les tourments que ta rigueur me donne,
Quoique je meure à tort,
Je me dirai coupable afin qu'on te pardonne
L'injure de ma mort.
Amour a résolu que je sois ta victime ;
Mais que ta cruauté
À son occasion ne fasse point de crime
Qu'avecque ta beauté !
Non, mon sort est meilleur, Philis veut que je vive :
Et sans compassion
Ne saurait endurer qu'un déplaisir arrive
À mon affection.
On voit sur mon visage, animé de sa flamme,
Qu'elle a de la pitié,
Et ma fureur me trouble où je vois que son âme
Entend mon amitié.
Je sais bien que l'honneur et les lois de la vie
Combattent son désir,
Et que sa chasteté résiste à mon envie
Avecque déplaisir.
Son cœur dans cet effort sauvant son innocence,
Languit pour mon sujet,
Et donne ses soupirs sans doute à mon absence
Plutôt qu'à son objet.
Un rival me traverse ; elle qui s'en afflige
Se déferait de lui,
Mais la condition de ce fâcheux l'oblige
De souffrir avec lui.
Cet amant importun, dont elle est offensée,
Pèse à son entretien,
Et reconnaît assez qu'elle a dans la pensée
Autre feu que le sien.