Et d’avance te vois, un jour sanglant et beau,
Débordant, le premier, sabre au poing, le coteau
Où pivote un remous formidable d’armées;
– Peut-être mourras-tu d’un obscur coup de feu,
Un soir de combat malheureux.
Apôtre qui n’entends de tous bruits que les plaintes
Et qui, pour adoucir l’immortelle douleur,
Consumas ta jeunesse ivre d’humain bonheur,
Comme un cierge allumé devant la table sainte;
– On a dit que ton ciel anticipé n’était
Qu’un rêve à son plus-que-parfait.
Artiste qui t’en vas par les champs et les rues
Chercher avec tes yeux la fugace beauté,
Chercher avec ton coeur sonore et dilaté
Le frisson qui recrée une forme apparue;
– Il se peut que ton oeuvre, ignescente d’abord,
Porte en elle un germe de mort.
La vie astucieuse aime à cacher ses voies
Et force l’homme à la servir par des détours.
Afin de l’engager en de rudes parcours
Elle montre, au lointain, des archipels de joie
Et s’inquiète peu qu’il n’y puisse atterrir :
Son effort le fera grandir.
Les Alternances
Alphonse Beauregard