Le doux printemps sourit à la terre charmée,
Et mai fait reverdir les prés et les forêts ;
Des souffles enivrants agitent la ramée ;
Des nuages d’encens s’élèvent des guérets ;
Et l’oiseau, sous le dais de la branche embaumée,
Mêle sa voix aux chants des ruisseaux clairs et frais.
La sève à jets pressés dans les rameaux bouillonne ;
La mousse au bois déroule à longs plis son satin ;
Sur le trèfle odorant l’abeille d’or bourdonne ;
Sur les roses s’abat le papillon mutin ;
Et parmi les ajoncs la source qui rayonne
Berce les nids rêveurs d’un murmure argentin.
Le coteau verdoyant luit comme l’émeraude ;
Au champ flotte l’odeur du lis immaculé ;
Au fond de la forêt le cerf, étonné, rôde ;
Le bœuf, ravi, promène au loin son œil troublé ;
Et le semeur, suivi des moineaux en maraude,
Éparpille dans l’air sa chanson et son blé.
Et l’on respire un vent doux comme l’ambroisie ;
Dans la nuit l’horizon garde un reflet du jour ;
Chaque être librement poursuit sa fantaisie,
L’enfant sous le bosquet, le bouvreuil sur la tour ;
Et les bois et les prés, où chacun s’extasie,
Débordent de gaîté, de verdeur et d’amour.
La nature a repris sa beauté, sa jeunesse.
Partout c’est un réveil qui vient tout redorer,
Partout c’est un rayon qui réchauffe et caresse,
C’est un luth que la main des zéphyrs fait vibrer…
Mais cependant, malgré tant d’éclat, tant d’ivresse,
Je ne revois jamais le printemps sans pleurer.
Car il me fait songer au printemps de ma vie,
Aux mille illusions dont je me suis bercé,
Aux fleurs de mon chemin, à la douce harmonie
Qui charmait mon oreille aux beaux jours du passé ;
Car ce réveil est plein d’une amère ironie
Pour mon cœur que le sort tant de fois a froissé.
Mais si le renouveau, malgré son charme immense,
Me fait toujours pleurer le temps qui m’enivra,
Il me vient apporter la suprême espérance
Qu’après les jours de deuil la floraison viendra,
Qu’il brille par delà ce monde de souffrance
Un printemps éternel où mon cœur renaîtra.