Je viens à ta beauté, seul, en pèlerinage,
Pays qui me fus bon.
De gradin en gradin, de pensée en pensée
J’ai gravi le sommet de l’arête dressée
Sur ton vaste horizon.
Et te voici, baignant dans l’or fauve d’octobre.
Pays de mon souhait, vallée aux lignes sobres
Où dort le fleuve bleu.
Voici les monts pointus qui t’ornent de dentelle,
Les toits rouges fuyant vers l’est, où l’on démêle
De grands pics nébuleux;
Là-bas, la route où nous allions, fous de vitesse,
Des chansons à la bouche, au coeur notre jeunesse;
Là, les vierges bois francs
Où, chassant, nous tombions de surprise en surprise,
Heureux de découvrir un étang, des cerises,
Même en nous égarant.
Le « buton » gravement monté, près de l’amie,
Et descendu dans une course irréfléchie,
Nous tenant par les doigts;
L’île, désir géant de la belle fantasque,
L’île atteinte à la voile après quelle bourrasque,
Après combien d’émois!
Les champs pleins de senteurs, fertiles en beaux sites,
Où je flânais, cueillant du foin, des marguerites,
Où j’aimais à dormir
Dans un lieu qui visât la plus haute des cimes,
Les champs dont l’infini recueillement anime
Les songes d’avenir!
Ô pays! mon passé revit dans l’étendue,
Dans tes plis d’or, tes bosquets roux, ta rive ardue,
Dans tes chemins pierreux.
Et la claire beauté de ton décor immense
Se confond dans mon âme avec la souvenance
D’un temps harmonieux.
Un poème d’Alphonse Beauregard