paroles, et feuilletant les pages de l’histoire, j’y suivais attenti-
vement les Français.
Ô toi qui venges l’humanité des peuples et des rois qui
l’outragent, véridique histoire, tu m’avais fait quelquefois de ce
peuple une peinture bien effrayante.
Cependant je croyais, et cette pensée m’était douce comme
ces rêves dorés que l’on fait par une belle matinée, comme une
espérance d’amour et de délices ;
Je croyais, ô liberté ! mère de tous les biens, que tu serais
pour ce peuple une nouvelle providence, et que tu étais envoyée
vers lui pour le régénérer.
N’es-tu plus une puissance créatrice ? ou si c’est que tu n’as
pu parvenir à changer ces hommes ? leur cœur est-il de pierre et
leurs yeux sont-ils assez aveuglés pour te méconnaître ?
Ton âme, c’est l’ordre ; mais eux dont le cœur est de feu,
s’animent et se précipitent au premier signe de la licence.
Oh ! ils ne connaissent qu’elle, ils la chérissent… et pour-
tant ils ne parlent que de toi, quand leur fer tombe sur la tête
des innocents : oh ! ton nom alors est dans toutes les bouches.
Liberté, mère de tous les biens ! n’est-ce pas encore en ton
nom qu’ils ont rompu de saints traités en commençant la guerre
des conquêtes.
Hélas ! beau rêve doré du matin, ton éclat ne m’éblouit
plus ; il ne m’a laissé qu’une douleur comme celle de l’amour
trompé.
Mais quelquefois dans un désert aride, il se présente tout à
coup un doux ombrage où se délasse le voyageur : telle a été
pour moi Corday l’héroïne, la femme homme.
Des juges infâmes avaient absous le monstre ; elle a cassé
leur jugement ; elle a fait ce qu’aimeront à raconter nos neveux
le visage enflammé et baigné de larmes d’admiration.
Un poème de Friedrich Gottlieb Klopstock