Ils trimaient, sous le joug, dans ce pays de fiel,
Et la saveur du fouet avait un goût amer,
Une clameur monta, implorant vers le ciel :
« Tu nous as oubliés, Toi le Dieu de nos pères ! »
Et Moïse partit loin de cette tourmente,
Emmenant la nuée des enfants d’Israël,
Traversant le désert et vivant sous la tente,
N’écoutant qu’une voix : celle de l’Eternel.
Il marchait, droit devant, son bâton à la main,
La foule le suivait impassible, si dense,
Ils s’en allaient, enfin, de ce lieu inhumain !
Et des chants s’élevaient de bonheur, d’espérance.
Ils foulèrent longtemps les dunes sous le ciel,
Le Seigneur pourvoyant aux besoins quotidiens,
La manne avec pour eux un si bon goût de miel,
Ils marchaient, pas à pas, mais la main dans la main.
Après quarante années de route et de déroute,
Après quarante années à fouler ce désert,
Après la traversée, au sec, et la déroute
Des soldats égyptiens noyés dedans la mer,
Moïse s’arrêta, et délaissant ses doutes,
Il gravit le chemin vers le Dieu de ses pères.
Et, sur le Mont Horeb, de ce buisson en feu,
Se prosternant au sol, en toute humilité,
Il vit que le Seigneur gravait, sur le rocher,
Ses Dix Commandements, d’un doigt impétueux.
Moïse descendit pour retrouver les siens,
Ses cheveux étaient blancs et ses yeux, au soleil,
Brillaient d’un feu ardent à nul autre pareil,
Mais, vers ses pas, montaient d’horribles chants païens !
Le peuple abandonné pendant quarante jours,
N’avait pu résister aux idoles antiques,
Mâles enivrés, femelles si impudiques
Se vautraient près des feux dans de légers atours.
Aaron n’avait pu imposer la sagesse,
Le peuple des Hébreux s’était tant corrompu,
Que vers le ciel montaient des hymnes d’allégresse :
Avaient-ils oublié d’où ils étaient venus ?!
Ils avaient oublié la Divine Alliance !
Ils avaient effacé tous les Divins Accords !
Ils avaient oublié les chants et l’espérance,
Agenouillés, debout, adorant le Veau d’Or !
Le courroux du Seigneur fut à son apogée,
Et, les Tables en main, Moïse les jeta,
Et Dieu punit alors ceux qui avaient péché,
Et l’Alliance Divine au sol se brisa !
En Terre Promise, ils partirent à nouveau,
Mais ce peuple était fier et dur était son front,
Moïse et Aaron, faisant fi du Très Haut,
Et le doute, à nouveau, fut leur dernier affront.
Et Moïse partit et Moïse mourut,
Mais ne foula jamais ce pays où le miel
Devait illuminer le cœur de ces fidèles
Pleurant, en ce berger, un prophète ingénu.
Et aucun, comme lui, ne reprit le flambeau,
Allant par les chemins, interpelant les cieux,
Forçant la destiné, osant parler à Dieu ;
Il garda le secret, l’emportant au tombeau.