Chaque jour qui s’enfuit n’est jamais racheté,
Et le temps qui s’en va sans laisser nulle trace
Nous porte lentement jusqu’à l’éternité.
Mais nul ne connaît l’heure où la course s’achève.
Alcyons fugitifs sur l’écume des flots,
Nous allons, poursuivis par un semblable rêve,
Mêlant la joie aux pleurs et le rire aux sanglots.
L’avenir devant nous parait riant ou sombre,
Mais le but qu’il présente est le même pour tous ;
Dans les clartés du jour ou dans l’horreur de l’ombre,
Le trépas se tient là, prêt à fondre sur nous.
Il ne faut qu’un signal pour ouvrir une tombe,
Il ne faut qu’un instant pour fermer un cercueil ;
Par un ordre inconnu l’étoile oscille et tombe :
Un mot venu du ciel met un pays eu deuil.
Atome intelligent dans l’immense matière,
Grain de sable perdu sous l’espace du ciel,
Être étrange et divers, fait d’ombre et de lumière,
L’homme est né pour mourir et se sent immortel.
Il se demeure, hélas ! une énigme à lui-même,
Et, quel que soit le Dieu que son âme invoqua,
Il n’a pu jusqu’ici, sondant le grand problème,
Triomphant et joyeux s’écrier : Euréka !
Où donc la vie humaine a-t-elle pris sa source ?
Vers quel but inconnu son cours est-il poussé ?
Vers d’autres univers portons-nous notre course ?
L’avenir sera-t-il l’image du passé ?
Mystère de la vie, ô grand pourquoi des choses !
Arche immense d’un pont sur les siècles construit,
Et dont les deux piliers, les effets et les causes,
Plongent l’un dans le vague et l’autre dans la nuit.
Au-delà
Alice de Chambrier