L’École des femmes Acte III Scène 3
L’École des femmes écrite par Molière
Arnolphe
Arnolphe.
Je ne puis faire mieux que d’en faire ma femme.
Ainsi que je voudrai, je tournerai cette âme;
Comme un morceau de cire entre mes mains elle est,
Et je lui puis donner la forme qui me plaît.
Il s’en est peu fallu que, durant mon absence,
On ne m’ait attrapé par son trop d’innocence;
Mais il vaut beaucoup mieux, à dire vérité,
Que la femme qu’on a pèche de ce côté.
De ces sortes d’erreurs le remède est facile:
Toute personne simple aux leçons est docile;
Et si du bon chemin on l’a fait écarter,
Deux mots incontinent l’y peuvent rejeter.
Mais une femme habile est bien une autre bête:
Notre sort ne dépend que de sa seule tête;
De ce qu’elle s’y met rien ne la fait gauchir,
Et nos enseignements ne font là que blanchir:
Son bel esprit lui sert à railler nos maximes,
À se faire souvent des vertus de ses crimes,
Et trouver, pour venir à ses coupables fins,
Des détours à duper l’adresse des plus fins.
Pour se parer du coup en vain on se fatigue:
Une femme d’esprit est un diable en intrigue;
Et dès que son caprice a prononcé tout bas
L’arrêt de notre honneur, il faut passer le pas:
Beaucoup d’honnêtes gens en pourraient bien que dire.
Enfin, mon étourdi n’aura pas lieu d’en rire.
Par son trop de caquet il a ce qu’il lui faut.
Voilà de nos François l’ordinaire défaut:
Dans la possession d’une bonne fortune,
Le secret est toujours ce qui les importune;
Et la vanité sotte a pour eux tant d’appas,
Qu’ils se pendraient plutôt que de ne causer pas.
Oh ! que les femmes sont du diable bien tentées,
Lorsqu’elles vont choisir ces têtes éventées,
Et que… ! Mais le voici… Cachons-nous toujours bien
Et découvrons un peu quel chagrin est le sien.
L’École des femmes Acte III Scène 3
Une pièce de Théâtre de Molière