Il fait un mouvement en avant, met ses mains sur ses hanches,
Dès qu’il est debout, il sait que la machine se remettra en marche,
Il ouvre les volets , laissant les fenêtres s’ouvrir sur la nature,
Il prépare son petit déjeuner,
Laissant le bol s’endormir sur la table
Il part à la pêche , surveiller les truites qui se cachent sous les rochers,
Il est seul, il a perdu sa femme à l’automne dernier,
Il aime bien sa maison , mais se sent si seul,
Ce qu’il adore dans cette maison ,
C’est cette chambre rose, qu’ils avaient décorée, lui et sa vieille,
Le dessus du lit un peu fané, aux murs des cadres pleins de poussière,
Rappelant des souvenirs de leur vie amoureuse,
Le soir au coin du feu , parce que depuis que la vieille était morte,
Il avait froid, il avait peur, peur de mourir seul dans cette maison,
il se disait : que tant que la cheminée fumait,
les voisins pouvaient se dire qu’il était encore en vie,
que si un jour ils ne voyaient plus cette fumée
Ils viendraient peut -être à son secours,
Çà lui paraissait si dur d’être vieux, et seul,
Il aimait écrire, il avait écrit de nombreux livres,
Il y racontait ses souvenirs, ses souvenirs amoureux,
Autour de lui il n’y avait que des vieilles choses recouvertes de poussière,
Il aimait l’odeur de ces vieilles choses,
ils avaient ensemble, surmonté bien des épreuves , lui et sa vieille,
Mais jamais ils n’avaient cessé de s’aimer, même dans l’absence, il l’aimait encore,
Il lui donna la main jusqu’à son dernier souffle,
Maintenant qu’elle était partie, il se sentait seul, très seul,
Il aurait bien aimé mourir la nuit , en dormant,
Remonter ses couvertures jusqu’au nez,
Se blottir au milieu de ce lit,
Avoir une dernière pensée pour elle, et se laisser partir,
Parfois il se mettait à penser qu’il aurait dû partir avec elle,
Mais la vie en avait voulu autrement
Le soir on voyait sa lourde silhouette sortir de la maison
pour se traîner jusqu’au cimetière,
Il lui apportait toujours un bouquet de fleurs sauvages,
Il ne restait pas très longtemps sur la tombe,
Son corps lui faisait mal , sa vieille carcasse ne pouvait plus le soutenir,
Il restait juste le temps de laisser couler quelques larmes,
Ses pas trébuchaient sur les pierres,
Il savait qu’un jour il ne pourrait plus venir,
Que ses os seraient rouillés , et qu’il ne pourrait plus marcher,
Pris de mélancolie, il se pensait : qui viendra mettre des fleurs sur la tombe de ma vieille,
Ce soir là, au retour de se pèlerinage, il ne savait pas que c’était son dernier recueillement,
En revenant à la maison , il trébucha lourdement, sa tête heurta la pierre,
Nous l’avons retrouvé par terre les jambes écartées,
La bouche ouverte, on avait l’impression qu’il voulait nous dire,
Laissez-moi , je suis tellement bien, laissez-moi,
Il reposait sur le sol , tranquille, en paix, et seul….