Un tigre se baladait, un jour, sur la colline.
Soudain, il aperçut un beau cerf tacheté,
Sous les arbres, tranquille, de l’herbe il broutait.
Tout en se faufilant, s’approchant en sourdine,
A l’idée du festin, déjà se pourléchait.
Le cerf, qui vit le tigre, resta paralysé.
En songeant à la fuite, il lui fallut ruser:
L’enn’mi étant novice, de cerf n’ayant point vu,
Se retournant d’office, le cerf donc se reput
De l’herbe verte et grâce qu’il broutait jusqu’alors,
Frétillant de la queue, tout en bravant la mort.
S’approchant de sa proie, qui mangeait en silence,
Le tigre se dit, alors: «- Pourquoi tant de distance ?
Il n’a pas peur de moi ?! Je vais le dévorer !
Dites-moi, Monsieur le Cerf, et sans vous offenser,
A quoi servent vos bois, de fière allure, si beaux ?»
«- C’est pour mâter les chats, les tigres, les taureaux !»
«- Et les taches, c’est pourquoi ?» lui dit le scélérat.
«- Chaque fois que je dévore un tigre, un loup, un chat,
Une tache vient s’ajouter: ça me fait un trophée !»
A ces mots, tout tremblant, le tigre détala.
Tout en courant très vite, en route, il rencontra
Un Renard, que l’histoire entière il raconta.
Celui-ci se mit à rire: «il s’est moqué de toi !»
Le tigre, effrayé, n’arrêtait pas d’trembler.
«Tu vas v’nir avec moi et je vais te montrer
Qu’un cerf n’est pas le roi au cœur de nos forêts !»
Lorsque le petit cerf aperçut l’équipage,
Il comprit, aussitôt, que Renard avait bavé;
De sa plus belle voix, évitant le carnage,
Bravant les deux compères, le cerf s’est écrié:
«Renard, mon cher ami, tu m’avais hier promis
Un beau tigre, splendide, pour mon p’tit déjeuner !
Je vais me régaler et je te remercie !»
A ces mots, prononcés d’une si belle tournure,
Le tigre affolé s’enfuit à toute allure,
Tout en fermant, avant, le tranchant de ses crocs
Sur Renard étonné, trompé et tout penaud !
Cypora Sebagh