Le malade imaginaire ACTE III Scène 6
Argan, Béralde
Argan
Ah ! mon Dieu ! je suis mort… Mon frère, vous m’avez perdu.
Béralde
Quoi ! qu’y a-t-il ?
Argan
Je n’en puis plus. Je sens déjà que la médecine se venge.
Béralde
Ma foi, mon frère, vous êtes fou; et je ne voudrais pas, pour beaucoup de choses, qu’on vous vit faire que ce vous faites. Tatez-vous un peu, je vous prie; revenez à vous-même, et ne donnez point tant à votre imagination.
Argan
Vous voyez, mon frère, les étranges maladies dont il m’a menacé.
Béralde
Le simple homme que vous êtes !
Argan
Il dit que je deviendrai incurable avant qu’il soit quatre jours.
Béralde
Et ce qu’il dit, que fait-il à la chose ? Est-ce un oracle qui a parlé ? il semble, à vous entendre, que monsieur Purgon tienne dans ses mains le filet de vos jours, et que, d’autorité suprême, il vous l’allonge et vous le raccourcisse comme il lui plaît. Songez que les principes de votre vie sont en vous-même, et que le courroux de monsieur Purgon est aussi peu capable de vous faire mourir que ses remèdes de vous faire vivre. Voici une aventure, si vous voulez, à vous défaire des médecins, ou, si vous êtes né à ne pouvoir vous en passer, il est aisé d’en avoir un autre avec lequel, mon frère, vous puissiez courir un peu moins de risque.
Argan
Ah ! mon frère, il sait tout mon tempérament et la manière dont il faut me gouverner.
Béralde
Il faut vous avouer que vous êtes un homme d’une grande prévention, et que vous voyez les choses avec d’étranges yeux.
Le malade imaginaire ACTE III Scène 6
Le malade imaginaire
ACTE III Scène 6 le malade imaginaire
La pièce de Théâtre Le malade imaginaire par Molière