Le Cid ACTE V Scène VI

Dans  Le Cid de Pierre Corneille
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Le Cid ACTE V Scène VI

Don Fernand, don Diègue, don Arias, don Sanche, don Alonse, Chimène, Elvire

Chimène

Sire, il n’est plus besoin de vous dissimuler

Ce que tous mes efforts ne vous ont pu celer.

J’aimais, vous l’avez su; mais, pour venger mon père,

J’ai bien voulu proscrire une tête si chère:

Votre majesté, sire, elle-même a pu voir

Comme j’ai fait céder mon amour au devoir.

Enfin Rodrigue est mort, et sa mort m’a changée

D’implacable ennemie en amante affligée.

J’ai dû cette vengeance à qui m’a mise au jour,

Et je dois maintenant ces pleurs à mon amour.

Don Sanche m’a perdue en prenant ma défense,

Et du bras qui me perd je suis la récompense !

Sire, si la pitié peut émouvoir un roi,

De grâce, révoquez une si dure loi;

Pour prix d’une victoire où je perds ce que j’aime,

Je lui laisse mon bien; qu’il me laisse à moi-même;

Qu’en un cloître sacré je pleure incessamment,

Jusqu’au dernier soupir, mon père et mon amant.

Don Diègue

Enfin elle aime, sire, et ne croit plus un crime

D’avouer par sa bouche un amour légitime.

Don Fernand

Chimène, sors d’erreur, ton amant n’est pas mort,

Et don Sanche vaincu t’a fait un faux rapport.

Don Sanche

Sire, un peu trop d’ardeur, malgré moi l’a déçue:

Je venais du combat lui raconter l’issue.

Ce généreux guerrier, dont son cœur est charmé,

” Ne crains rien, m’a-t-il dit, quand il m’a désarmé:

Je laisserais plutôt la victoire incertaine,

Que de répandre un sang hasardé pour Chimène;

Mais puisque mon devoir m’appelle auprès du roi,

Va de notre combat l’entretenir pour moi,

De la part du vainqueur lui porter ton épée. ”

Sire, j’y suis venu: cet objet l’a trompée;

Elle m’a cru vainqueur, me voyant de retour,

Et soudain sa colère a trahi son amour

Avec tant de transport et tant d’impatience,

Que je n’ai pu gagner un moment d’audience.

Pour moi, bien que vaincu, je me répute heureux;

Et malgré l’intérêt de mon cœur amoureux,

Perdant infiniment j’aime encor ma défaite,

Qui fait le beau succès d’une amour si parfaite.

Don Fernand

Ma fille, il ne faut point rougir d’un si beau feu,

Ni chercher les moyens d’en faire un désaveu;

Une louable honte en vain t’en sollicite;

Ta gloire est dégagée, et ton devoir est quitte;

Ton père est satisfait, et c’était le venger

Que mettre tant de fois ton Rodrigue en danger.

Tu vois comme le ciel autrement en dispose.

Ayant tant fait pour lui, fais pour toi quelque chose,

Et ne sois point rebelle à mon commandement,

Qui te donne un époux aimé si chèrement.

Le Cid ACTE V Scène VI

La pièce de Théâtre Le Cid par Pierre Corneille.



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