L’Avare ACTE III Scène 12

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L’Avare ACTE III Scène 12

Harpagon, Mariane, Élise, Cléante, Valère, Frosine.

Harpagon à Mariane.

Je vous prie de m’excuser, ma belle, si je n’ai pas songé a vous donner un peu de collation avant que de partir.

Cléante

J’y ai pourvu, mon père, et j’ai fait apporter ici quelques bassins d’oranges de la Chine, de citrons doux, et de confitures, que j’ai envoyé quérir de votre part.

Harpagon bas, à Valère.

Valère !

Valère à Harpagon.

Il a perdu le sens.

Cléante

Est-ce que vous trouvez, mon père, que ce ne soit pas assez ? Madame aura la bonté d’excuser cela, s’il vous plaît.

Mariane

C’est une chose qui n’était pas nécessaire.

Cléante

Avez-vous jamais vu, madame, un diamant plus vif que celui que vous voyez que mon père a au doigt ?

Mariane

Il est vrai qu’il brille beaucoup.

Cléante ôtant du doigt de son père le diamant, et le donnant à Mariane.

Il faut que vous le voyiez de près.

Mariane

Il est fort beau, sans doute, et jette quantité de feux.

Cléante se mettant au-devant de Mariane, qui veut rendre le diamant.

Nenni. Madame, il est en de trop belles mains. C’est un présent que mon père vous fait.

Harpagon

Moi !

Cléante

N’est-il pas vrai, mon père, que vous voulez que Madame le garde pour l’amour de vous ?

Harpagon bas, à son fils.

Comment ?

Cléante à Mariane.

Belle demande ! Il me fait signe de vous le faire accepter.

Mariane

Je ne veux point…

Cléante à Mariane.

Vous moquez-vous ? Il n’a garde de le reprendre.

Harpagon à part.

J’enrage !

Mariane

Ce serait…

Cléante empêchant toujours Mariane de rendre la bague.

Non, vous dis-je, c’est l’offenser.

Mariane

De grâce…

Cléante

Point du tout.

Harpagon à part.

Peste soit…

Cléante

Le voilà qui se scandalise de votre refus.

Harpagon bas, à son fils.

Ah ! traître !

Cléante à Mariane.

Vous voyez qu’il se désespère.

Harpagon bas, à son fils, en le menaçant.

Bourreau que tu es !

Cléante

Mon père, ce n’est pas ma faute. Je fais ce que je puis pour l’obliger à la garder; mais elle est obstinée.

Harpagon bas, à son fils en le menaçant.

Pendard !

Cléante

Vous êtes cause, Madame, que mon père me querelle.

Harpagon bas, à son fils, avec les mêmes gestes.

Le coquin !

Cléante

Vous le ferez tomber malade. De grâce, Madame, ne résistez point davantage.

Frosine à Mariane.

Mon Dieu ! que de façons ! Gardez la bague, puisque monsieur le veut.

Mariane à Harpagon.

Pour ne vous point mettre en colère, je la garde maintenant, et je prendrai un autre temps pour vous la rendre.

L’Avare par Jean Baptiste Poquelin: Molière



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