Il fait froid. Les blizzards soufflent, et nul rayon
Ne dore des forêts les blancheurs infinies ;
Mais Noël sur nos seuils laissa comme un sillon
De clartés, de parfums, de paix et d’harmonies.
Et sur l’épais verglas des chemins boulineux,
Sur les trottoirs glissants et clairs comme l’agate,
Dans les logis obscurs, sous les toits lumineux,
L’allégresse loquace et tapageuse éclate.
En vain la neige à flots tombe des cieux brouillés,
En vain le grand réseau polaire nous enlace,
En vain le fouet du vent nous flagelle la face,
Nos cœurs ont la chaleur des bords ensoleillés.
Nos cœurs français n’ont rien des froideurs de la bise
Qui tord l’arbre souffrant et mort presque à moitié,
Et nous nous enivrons de la senteur exquise
Qu’épanche sur nos fronts l’arbre de l’Amitié.
Ce vif rayonnement de joie en tous sens brille
Et glisse jusqu’au gîte isolé du colon.
Aux tables des fricots le sel gaulois pétille,
Et tout un monde gigue au son du violon.
Les somptueux salons sont ruisselants de flammes,
Et sous le flamboiement des lustres de cristal,
Comme un écho divin, la musique du bal
Emporte en ses replis prestigieux les âmes.
Dans tout cercle du soir plus vive est la gaîté,
Pendant que sur les toits sanglote la rafale,
Ou qu’au ciel éclairci l’aurore boréale
Déroule les splendeurs de son voile enchanté.