Écoutez, je suis Jean !
« Écoutez,
je suis Jean. J’ai vu des choses sombres.
J’ai vu l’ombre
infinie où se perdent les nombres.
J’ai vu les visions que les
réprouvés fonts ;
J’ai vu le ciel, l’éther, le chaos et
l’espace.
Vivant ! Puisque j’en viens, je sais ce qui se passe
;
Je vous affirme à tous, écoutez bien ma voix,
J’affirme
même à ceux qui vivent dans les bois,
Que le Seigneur, le Dieu
des esprits des prophètes,
Voit ce que vous pensez et sait ce que
vous faites.
C’est bien. Continuez, grands, petits, jeunes,
vieux !
Que l’avare soit tout à l’or, que l’envieux
Rampe
et morde en rampant, que le glouton dévore,
Que celui qui fait
mal, le fasse encore,
Que celui qui fut lâche et vil, le soit
toujours !
Voyant vos passions, vos fureurs, vos amours,
J’ai dit à Dieu : «
Seigneur, jugez où nous en sommes.
Considérez la terre et
regardez les hommes.
Ils brisent tous les
nœuds qui devaient les unir.
Et
Dieu m’a répondu : certes, je vais venir !
»
[(*) Victor Hugo
(Les contemplations – Serck Juillet 1853)]
…/…
Tu disais « écoutez ! », « écoutez ma sentence ! »
Toi qui t’en revenais de là où tout finit ;
Pourtant, ne sais-tu pas ? C’est gonflé d’arrogance,
Que l’homme a perpétré d’horribles avanies !
Dans un monde rempli de haine et de colère
-Où même un pauvre nid n’était plus un asile-
L’Univers corrompu se mouvait à l’envers
Et la Mort s’invitait dans un crachat hostile !
Qu’importaient les saisons, la pluie, le vent, la neige,
Ils voulaient, seulement, ne plus tendre la joue
Aux infâmes soufflets, fuyant de piège en piège
Le mal et le chaos avec la corde au bout !
Espérant, résolus, juste un signe, une voix,
Ils étaient des humains avant d’être des nombres,
Condamnés sans appel, n’étaient plus que des ombres,
Sur le cœur, une étoile ancrée telle une croix !
Emmurés, nuits et jours, dans un enfer inique,
Étouffés, abolis -mécréants ou dévots-
Impitoyablement par d’odieux hérétiques
Et la Brume emmêlait les os hors des caveaux !
Toi qui parlais à Dieu -si tu Le vois encore-
Demande-Lui pourquoi Il n’a rien entendu :
Les pleurs, les cris d’effroi, les cendres et les corps,
Lui qui avait promis et n’est jamais venu ?!
Paris, le 8 mai 2010 – 23 H 54