Par les hivers anciens, quand nous portions la robe,
Tout petits, frais, rosés, tapageurs et joufflus,
Avec nos grands albums, hélas! que l’on n’a plus,
Comme on croyait déjà posséder tout le globe !
Tout petits, frais, rosés, tapageurs et joufflus,
Avec nos grands albums, hélas! que l’on n’a plus,
Comme on croyait déjà posséder tout le globe !
Assis en rond, le soir, au coin du feu, par groupes,
Image sur image, ainsi combien joyeux
Nous feuilletions, voyant, la gloire dans les yeux,
Passer de beaux dragons qui chevauchaient en troupes !
Je fus de ces heureux d’alors, mais aujourd’hui,
Les pieds sur les chenets, le front terne d’ennui,
Moi qui me sens toujours l’amertume dans l’âme,
J’aperçois défiler, dans un album de flamme,
Ma jeunesse qui va, comme un soldat passant,
Au champ noir de la vie, arme au poing, toute en sang !
Le jardin de l’enfance
Emile Nelligan