XI
Elle ne put ouvrir la lettre de Louise que le soir. C’était une longue paraphrase du peu de mots qu’elles avaient pu échanger à leur gré dans l’entrevue de la ferme. Cette lettre toute palpitante de joie et d’espoir était l’expression d’une véritable amitié de femme romanesque, expansive, sœur de l’amour, amitié pleine d’adorables puérilités et de platoniques ardeurs.
Elle terminait par ces mots:
“Le hasard m’a fait découvrir que ta mère allait demain rendre une visite dans le voisinage. Lire la suite...
XII
À quelques jours de là, madame de Raimbault fut engagée par le préfet à une brillante réunion qui se préparait au chef-lieu du département. C’était à l’occasion du passage de madame la duchesse de Berry qui s’en allait ou qui revenait d’un de ses joyeux voyages; femme étourdie et gracieuse, qui avait réussi à se faire aimer malgré l’inclémence des temps, et qui longtemps se fit pardonner ses prodigalités par un sourire.
Madame de Raimbault devait être du petit nombre des dames choisies qui seraient présentées à la princesse, Lire la suite...
XIII
Elle avait trouvé moyen, la veille, de faire avertir Louise de sa visite; aussi toute la ferme était en joie et en ordre pour la recevoir. Athénaïs avait mis des fleurs nouvelles dans des vases de verre bleu. Bénédict avait taillé les arbres du jardin, ratissé les allées, réparé les bancs. Madame Lhéry avait confectionné elle-même la plus belle galette qui se fût vue de mémoire de ménagère. M. Lhéry avait fait sa barbe et tiré le meilleur de son vin. Ce furent des cris de joie et de surprise quand Valentine entra toute seule et sans bruit dans la salle. Elle embrassa comme Lire la suite...
XIV
Bénédict regardait d’abord l’image de Valentine avec calme; peu à peu une sensation pénible, plus prompte et plus vive que celle qu’elle éprouvait elle-même, le força de changer de place et d’essayer de s’en distraire. Il reprit ses filets et les jeta de nouveau, mais il ne put rien prendre; il était distrait. Ses yeux ne pouvaient pas se détacher de ceux de Valentine; soit qu’il se penchât sur l’escarpement de la rivière, soit qu’il se hasardât sur les pierres tremblantes ou sur les grès polis et glissants, il surprenait toujours le regard de Valentine Lire la suite...
XV
Personne ne dormit à la ferme dans la nuit qui suivit cette journée. Athénaïs se trouva mal en rentrant; sa mère en conçut une vive inquiétude, et ne consentit à se coucher que pressée par les instances de Louise. Celle-ci s’engagea à passer la nuit dans la chambre de sa jeune compagne, et Bénédict se retira dans la sienne, où partagé entre la joie et le remords, il ne put goûter un instant de repos.
Après la fatigue d’une attaque de nerfs, Athénaïs s’endormit profondément; mais bientôt les chagrins Lire la suite...
XVI
Louise était assez embarrassée pour aborder une question si délicate, lorsque Bénédict, prenant le premier la parole, lui dit d’un ton ferme:
—Mon amie, je sais de quoi vous allez me parler. Nos cloisons de bois de chêne ne sont pas tellement épaisses, la nuit n’est pas tellement bruyante autour de cette demeure, et mon sommeil n’était pas tellement profond, que j’aie perdu un seul mot de votre entretien avec ma cousine. La confession que je me proposais de vous faire serait donc parfaitement Lire la suite...
XVII
Mais à peine Bénédict fut-il seul que, n’éprouvant plus l’effet de l’attendrissement, il s’étonna d’en avoir ressenti un si vif, et ne s’expliqua cette émotion qu’en l’attribuant à un sentiment d’amour-propre flatté. En effet, Bénédict, ce garçon laid à faire peur, comme disait la marquise de Raimbault, ce jeune homme enthousiaste pour les autres et sceptique envers lui-même, se trouvait dans une étrange position. Aimé à la fois de trois femmes dont la moins belle eût rempli d’orgueil le cœur de tout autre, il avait bien de la peine à lutter contre les bouffées de Lire la suite...
XVIII
Valentine, en rentrant au château, avait trouvé sur sa cheminée une lettre de M. de Lansac. Selon l’usage du grand monde, elle était en correspondance avec lui depuis l’époque de ses fiançailles. Cette correspondance, qui semble devoir être une occasion de se connaître et de se lier plus intimement, est presque toujours froide et maniérée. On y parle d’amour dans le langage des salons; on y montre son esprit, son style et son écriture, rien de plus.
Valentine écrivait si simplement qu’elle passait aux yeux de M. de Lansac et de sa famille pour une personne fort médiocre. Lire la suite...
XIX
Louise, en apprenant l’arrivée de M. de Lansac, écrivit une lettre d’adieu à sa sœur, lui exprima dans les termes les plus vifs sa reconnaissance pour l’amitié qu’elle lui avait témoignée, et lui dit qu’elle allait attendre à Paris l’effet des bonnes intentions de M. de Lansac pour leur rapprochement. Elle la suppliait de ne point brusquer cette demande, et d’attendre que l’amour de son mari eût consolidé le succès qu’elle devait en attendre.
Après avoir fait passer cette lettre à Valentine par l’intermédiaire d’Athénaïs, qui alla en Lire la suite...
XX
Valentine aimait Bénédict, elle ne pouvait pas résister à sa demande. Il y a tant d’innocence et de pureté dans le premier amour de la vie, qu’il se méfie peu des dangers qui sont en lui. Valentine se refusait à pressentir la cause des chagrins de Bénédict; elle le voyait malheureux, et elle eût admis les plus invraisemblables infortunes plutôt que de s’avouer celle qui l’accablait. Il y a des routes si trompeuses et des replis si multipliés dans la plus pure conscience ! Comment la femme jetée, avec une âme impressionnable, dans Lire la suite...