Levez-vous, Soleil de mon âme, Votre clarté plus ne me luit ; Chassez mon froid par votre flamme, Par vos rais l'ombre de ma nuit.
Les champs enfarinés de neige éparpillée Sont tapissés de blanc, et les arbres couverts De gros monceaux neigeux tremblent presque à l'envers, Borée galope en l'air comme à bride avalée.
Mère des Dieux, brune chasse-lumière, Au moite sein, au carrouse tiré De noirs chevaux, qui du pôle éthéré Répands un Lèthe à la source sommière,
Muette Nuit qui de robe embrunie Vêtis les cieux au mantel étoilé, Ton noir chariot soit bien vite attelé, Jà le Soleil sa carrière a fournie.
Noire poison, tu ne fais demeurance Au vase clos qui te puisse étouffer, Tu viens chez moi, fausse fille d'Enfer Et de la Nuit, soeur du somme, Espérance.
Ô jour heureux, heure, temps, et moment, Auquel ma dame a d'une foi jurée Promis secours à mon âme enferrée Dans la prison de l'amoureux tourment !
Ô somme doux, somme ami de nature, Heur des mortels qui les maux adoucis, Somme bénin qui charmes les soucis, Ô commun bien de chaque créature,
Peintre excellent, dont le pinceau subtil Peut imiter, voire passer Nature, Se faisant voir inimitable outil Alors qu'il trace une rare peinture,
Quand je vois ma Lucresselette, Plus mignarde qu'une perlette, Plus belle qu'un jour gracieux, Je pense voir une prairie, La plus belle qui soit fleurie Dessous le grand manteau des cieux.
Que j'aurais les esprits contents Si nous étions encor au temps Des choses métamorphosées, Pourvu qu'on me changeât aussi En un miroir bien éclairci Qu'engendrent les neiges glacées !