Rappelez-vous ces jours heureux, Où mon coeur crédule et sincère Vous présenta ses premiers voeux. Combien alors vous m'étiez chère ! Quels transports ! quel égarement ! Jamais on ne parut si belle
Que le bonheur arrive lentement ! Que le bonheur s'éloigne avec vitesse ! Durant le cours de ma triste jeunesse Si j'ai vécu, ce ne fut qu'un moment. Je suis puni de ce moment d'ivresse. L'espoir qui trompe a toujours sa douceur,
Calme des sens, paisible indifférence, Léger sommeil d'un coeur tranquillisé, Descends du ciel ; éprouve ta puissance Sur un amant trop long-temps abusé. Mène avec toi l'heureuse insouciance, Les plaisirs purs qu'autrefois j'ai connus,
Naissez, mes vers, soulagez mes douleurs, Et sans effort coulez avec mes pleurs.
D'un air languissant et rêveur Justine a repris son ouvrage ; Elle brode ; mais le bonheur Laissa sur son joli visage L'étonnement et la pâleur.
Apprenez, ma belle, Qu'à minuit sonnant, Une main fidèle, Une main d'amant, Ira doucement, Se glissant dans l'ombre,
Rions, chantons, ô mes amis, Occupons-nous à ne rien faire, Laissons murmurer le vulgaire, Le plaisir est toujours permis.
Vers gravés sur un oranger Oranger, dont la voûte épaisse Servit à cacher nos amours, Reçois et conserve toujours
Toujours le malheureux t'appelle, Ô nuit, favorable aux chagrins ! Viens donc, et, porte sur ton aile L'oubli des perfides humains. Voile ma douleur solitaire ;