Premières Poésies

Mon pauvre coeur bave à la poupe,
Mon coeur est plein de caporal :
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste coeur bave à la poupe:
Sous les quolibets de la troupe

Qui pousse un rire général,
Mon triste coeur bave à la poupe,
Mon coeur est plein de caporal !
Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs insultes l’ont dépravé !

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Parqués entre des bancs de chêne, aux coins d’église
Qu’attiédit puamment leur souffle, tous leurs yeux
Vers le choeur ruisselant d’orrie et la maîtrise
Aux vingt gueules gueulant les cantiques pieux;
Comme un parfum de pain humant l’odeur de cire,
Heureux, humiliés comme des chiens battus,
Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire,

Tendent leurs oremus risibles et têtus.
Aux femmes, c’est bien bon de faire des bancs lisses,
Après les six jours noirs où Dieu les fait souffrir !
Elles bercent, tordus dans d’étranges pelisses,

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À M. P. Demeny.
Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S’en allait satisfaite et très fière sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences,
L’âme de son enfant livrée aux répugnances.
Tout le jour, il suait d’obéissance ; très
Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d’âcres hypocrisies.

Dans l’ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
A l’aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.

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Bien tard, quand il se sent l’estomac écoeuré,
Le frère Calotus, un oeil à la lucarne
D’où le soleil clair comme un chaudron récuré
Lui darde une migraine et fait son regard darne,
Déplace dans les draps son ventre de curé.
Il se démène sous sa couverture grise
Et descend ses genoux à son ventre tremblant,
Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise,
Car il lui faut, le poing à l’anse d’un pot blanc,
A ses reins largement retrousser sa chemise !
Or, il s’est accroupi, frileux, les doigts de pied
Repliés, grelottant au clair soleil qui plaque
Des jaunes de brioche aux vitres de papier;
Et le nez du bonhomme où s’allume la laque
Renifle aux rayons, tel qu’un charnel polypier.
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Un hydrolat lacrymal lave
Les cieux vert-choux :
Sous l’arbre tendronnier qui bave,
Vos caoutchoucs

Blancs de lunes particulières
Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
Mes laiderons !

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Le printemps est évident, car
Du coeur des Propriétés vertes,
Le vol de Thiers et de Picard
Tient ses splendeurs grandes ouvertes !
O Mai ! quels délirants cul-nus !

Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
Écoutez donc les bienvenus
Semer les choses printanières !
Ils ont shako, sabre et tam-tam,
Non la vieille boîte à bougies,

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Je vis assis, tel qu’un ange aux mains d’un barbier,
Empoignant une chope à fortes cannelures,
L’hypogastre et le col cambrés, une Gambier
Aux dents, sous l’air gonflé d’impalpables voilures.
Tels que les excréments chauds d’un vieux colombier,
Mille rêves en moi font de douces brûlures ;
Puis par instants, mon coeur triste est comme un aubier
Qu’ensanglante l’or jaune et sombre des coulures.
Puis, quand j’ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille pour lâcher l’âcre besoin;
Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns très haut et très loin,
Avec l’assentiment des grands héliotropes.
1871.

 

Un poème d’Arthur Rimbaud

Ceux qui disent : Cré Nom, ceux qui disent macache,
Soldats, marins, débris d’Empire, retraités,
Sont nuls, très nuls, devant les Soldats des Traités
Qui tailladent l’azur frontière à grands coups d’hache.
Pipe aux dents, lame en main, profonds, pas embêtés,
Quand l’ombre bave aux bois comme un mufle de vache,
Ils s’en vont, amenant leurs dogues à l’attache,
Exercer nuitamment leurs terribles gaîtés !
Ils signalent aux lois modernes les faunesses.
Ils empoignent les Fausts et les Diavolos.
« Pas de ça, les anciens ! Déposez les ballots !»
Quand sa sérénité s’approche des jeunesses,
Le Douanier se tient aux appas contrôlés !
Enfer aux Délinquants que sa paume a frôlés !

 

Un poème d’Arthur Rimbaud

Dans la feuillée, écrin vert taché d’or,
Dans la feuillée incertaine et fleurie
D’énormes fleurs où l’âcre baiser dort,
Vif et devant l’exquise broderie,
Le faune affolé montre ses deux yeux
Et mord les fleurs rouges avec ses dents blanches.
Brunie et sanglante ainsi qu’un vin vieux
Sa lèvre éclate en rires sous les branches.
Et quand il a fui -tel qu’un écureuil –
Son rire perle encore à chaque feuille
Et l’on croit épeuré par un bouvreuil
Le Baiser d’or du Bois qui, se recueille.

 

Arthur Rimbaud

Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,
Le sinciput plaqué de hargnosités vagues
Comme les floraisons lépreuses des vieux murs;
Ils ont greffé dans des amours épileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S’entrelacent pour les matins et pour les soirs !
Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,
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