Poésies Arthur Rimbaud

Premières Poésies

FRAGMENTS
Le Juste restait droit sur ses hanches solides:
Un rayon lui dorait l’épaule; des sueurs
Me prirent : « Tu veux voir rutiler les bolides ?
Et, debout, écouter bourdonner les fleurs

D’astres lactés, et les essaims d’astéroïdes ?
« Par des farces de nuit ton front est épié,
O juste ! Il faut gagner un toit. Dis ta prière,
La bouche dans ton drap doucement expié;
Et si quelque égaré choque ton ostiaire,

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L’étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
L’infini roulé blanc de ta nuque à tes reins;
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l’Homme saigné noir à ton flanc souverain.
1871.

Arthur Rimbaud

A noir, E blanc, I rouge, U vert, 0 bleu: voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes.
A, noir corset velu des mouches éclatantes

Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux;
0, suprême Clairon plein de strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges:
– Ô l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
1871.

 

Un poème d’Arthur Rimbaud

Le jeune homme dont l’oeil est brillant, la peau brune,
Le beau corps de vingt ans qui devrait aller nu,
Et qu’eût, le front cerclé de cuivre, sous la lune
Adoré, dans la Perse, un Génie inconnu,
Impétueux avec des douceurs virginales

Et noires, fier de ses premiers entêtements,
Pareil aux jeunes mers, pleurs de nuits estivales,
Qui se retournent sur des lits de diamants ;
Le jeune homme, devant les laideurs de ce monde,
Tressaille dans son coeur largement irrité,

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Jeanne-Marie a des mains fortes,
Mains sombres que l’été tanna,
Mains pâles comme des mains mortes.
– Sont-ce des mains de Juana ?
Ont-elles pris les crèmes brunes
Sur les mares des voluptés ?
Ont-elles trempé dans des lunes
Aux étangs de sérénités ?
Ont-elles bu des cieux barbares,
Calmes sur les genoux charmants ?

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L orgie Parisienne (ou Paris se repeuple)

O lâches, la voilà ! Dégorgez dans les gares !
Le soleil essuya de ses poumons ardents
Les boulevards qu’un soir comblèrent les Barbares.
Voilà la Cité sainte, assise à l’occident !
Allez ! on préviendra les reflux d’incendie,
Voilà les quais, voilà les boulevards, voilà
Les maisons sur l’azur léger qui s’irradie
Et qu’un soir la rougeur des bombes ébranla !
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Mon pauvre coeur bave à la poupe,
Mon coeur est plein de caporal :
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste coeur bave à la poupe:
Sous les quolibets de la troupe

Qui pousse un rire général,
Mon triste coeur bave à la poupe,
Mon coeur est plein de caporal !
Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs insultes l’ont dépravé !

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Parqués entre des bancs de chêne, aux coins d’église
Qu’attiédit puamment leur souffle, tous leurs yeux
Vers le choeur ruisselant d’orrie et la maîtrise
Aux vingt gueules gueulant les cantiques pieux;
Comme un parfum de pain humant l’odeur de cire,
Heureux, humiliés comme des chiens battus,
Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire,

Tendent leurs oremus risibles et têtus.
Aux femmes, c’est bien bon de faire des bancs lisses,
Après les six jours noirs où Dieu les fait souffrir !
Elles bercent, tordus dans d’étranges pelisses,

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À M. P. Demeny.
Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S’en allait satisfaite et très fière sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences,
L’âme de son enfant livrée aux répugnances.
Tout le jour, il suait d’obéissance ; très
Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d’âcres hypocrisies.

Dans l’ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
A l’aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.

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Bien tard, quand il se sent l’estomac écoeuré,
Le frère Calotus, un oeil à la lucarne
D’où le soleil clair comme un chaudron récuré
Lui darde une migraine et fait son regard darne,
Déplace dans les draps son ventre de curé.
Il se démène sous sa couverture grise
Et descend ses genoux à son ventre tremblant,
Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise,
Car il lui faut, le poing à l’anse d’un pot blanc,
A ses reins largement retrousser sa chemise !
Or, il s’est accroupi, frileux, les doigts de pied
Repliés, grelottant au clair soleil qui plaque
Des jaunes de brioche aux vitres de papier;
Et le nez du bonhomme où s’allume la laque
Renifle aux rayons, tel qu’un charnel polypier.
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