Poésies André Chénier

Elégies

Souvent le malheureux songe à quitter la vie ; L'espérance crédule à vivre le convie. Le soldat sous la tente espère, avec la paix, Le repos, les chansons, les danses, les banquets. Gémissant sur le soc, le laboureur d'avance Voit ses guérets chargés d'une heureuse abondance. Moi, l'espérance amie est bien loin de mon coeur.

Oh ! puisse le ciseau qui doit trancher mes jours Sur le sein d'une belle en arrêter le cours ! Qu'au milieu des langueurs, au milieu des délices, Achevant de Vénus les plus doux sacrifices,

Ô Muses, accourez ; solitaires divines, Amantes des ruisseaux, des grottes, des collines ! Soit qu'en ses beaux vallons Nîme égare vos pas ; Soit que de doux pensers, en de riants climats, Vous retiennent aux bords de Loire ou de Garonne ; Soit que, parmi les choeurs de ces nymphes du Rhône, La lune,…

Ô jours de mon printemps, jours couronnés de rose, A votre fuite en vain un long regret s'oppose. Beaux jours, quoique, souvent obscurcis de mes pleurs, Vous dont j'ai su jouir même au sein des douleurs, Sur ma tête bientôt vos fleurs seront fanées ; Hélas ! bientôt le flux des rapides années Vous aura…

Ô délices d'amour ! et toi, molle paresse, Vous aurez donc usé mon oisive jeunesse ! Les belles sont partout. Pour chercher les beaux-arts, Des Alpes vainement j'ai franchi les remparts : Rome d'amours en foule assiége mon asile. Sage vieillesse, accours ! Ô déesse tranquille,

Les esclaves d'Amour ont tant versé de pleurs ! S'il a quelques plaisirs, il a tant de douleurs ! Qu'il garde ses plaisirs. Dans un vallon tranquille Les Muses contre lui nous offrent un asile ; Les Muses, seul objet de mes jeunes désirs, Mes uniques amours, mes uniques plaisirs. L'Amour n'ose troubler la paix…

L'art, des transports de l'âme est un faible interprète ; L'art ne fait que des vers, le coeur seul est poëte. Sous sa fécondité le génie opprimé Ne peut garder l'ouvrage en sa tête formé. Soit que le doux amour des nymphes du Permesse, D'une fureur sacrée enflammant sa jeunesse, L'emporte malgré lui dans leurs…

Jeune fille, ton coeur avec nous veut se taire Tu fuis, tu ne ris plus ; rien ne saurait te plaire. La soie à tes travaux offre en vain des couleurs ; L'aiguille sous tes doigts n'anime plus des fleurs. Tu n'aimes qu'à rêver, muette, seule, errante, Et la rose pâlit sur ta bouche mourante.

Il n'est que d'être roi pour être heureux au monde. Bénis soient tes décrets, ô Sagesse profonde ! Qui me voulus heureux et, prodigue envers moi, M'as fait dans mon asile et mon maître et mon roi. Mon Louvre est sous le toit, sur ma tête il s'abaisse ;

Il n'est donc plus d'espoir, et ma plainte perdue A son esprit distrait n'est pas mème rendue ! Couchons-nous sur sa porte. Ici, jusques au jour Elle entendra les pleurs d'un malheureux amour. Mais, non… Fuyons… Une autre avec plaisir tentée Prendra soin d'accueillir ma flamme rebutée,

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