Poésie Alphonse de Lamartine

Méditations poétiques

Mon coeur, lassé de tout, même de l’espérance,
N’ira plus de ses voeux importuner le sort ;
Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance,
Un asile d’un jour pour attendre la mort.

Voici l’étroit sentier de l’obscure vallée :
Du flanc de ces coteaux pendent des bois épais,
Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée,
Me couvrent tout entier de silence et de paix.

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Harmonies poétiques et religieuses

N’es-tu plus le Dieu des armées ?
N’es-tu plus le Dieu des combats ?
Ils périssent, Seigneur, si tu ne réponds pas !
L’ombre du cimeterre est déjà sur leurs pas !
Aux livides lueurs des cités enflammées,
Vois-tu ces bandes désarmées,
Ces enfants, ces vieillards, ces vierges alarmées ?
Ils flottent au hasard de l’outrage au trépas,
Ils regardent la mer, ils te tendent les bras ;
N’es-tu plus le Dieu des armées ?
N’es-tu plus le Dieu des combats ?

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papillon
1

Le papillon

Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté!
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté!

Alphonse de Lamartine, Nouvelles méditations poétiques

La Chute d’un Ange

Et le vieillard finit en disant : « Gloire à Dieu !
Dieu, seul commencement, seule fin, seul milieu,
Seule explication du ciel et de la terre,
Seule clef de l’esprit pour ouvrir tout mystère ! »
Il étendit la main pour l’invoquer sur nous !
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Cependant Asrafiel, vainqueur par sa complice.
De ses lâches rivaux débarrassant la lice,
Le pied sur un cadavre au trône était monté ;
Pour lui le prix du sang était la volupté :
Et, pour aiguillonner son audace assouvie,
Associant la mort aux excès de la vie,
De débauche altéré plus que d’ambition,
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La nuit, pleine de crime et de flambeaux rougie,
Roulait avec horreur ses astres sur l’orgie.
Les constellations, du haut du firmament,
Regardaient cette scène avec étonnement,
Admirant comment Dieu, dans son profond mystère.
Laissait monter si haut les forfaits de la terre
Et les anges chantaient d’un accent solennel :
« Patient ! patient ! car il est éternel ! »
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Mais sous ses yeux fermés son cœur ne dormait pas :
Elle eût rêvé Cédar sous la main du trépas.
L’amour qui l’embrasait pour le céleste esclave
Dans ses veines d’enfant roulait des flots de lave.
Sa tempe dans son front ne pouvait s’assoupir,
Sa respiration n’était qu’un long soupir.
Elle voyait toujours son chaud regard sur elle
Luire en rêve dans l’ombre ; ainsi qu’une étincelle.
Dans le profond silence elle entendait sa voix.
Les moments écoulés semblaient couler cent fois ;
De l’aurore à la nuit son attente insensée
Dévorait les instants, d’heure en heure élancée,
Et des siècles de nuits pleines de ses amours
Aux genoux du captif lui paraissaient trop courts.
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La nuit, qui livre l’homme à ses réflexions,
Et qui laisse à son cœur mordre les passions,
Pleine de perfidie et d’embûches secrètes,
Jetait sur les géants ses ombres inquiètes.
Le sommeil ne bénit que des fronts innocents ;
Leur lourd sommeil n’était que l’ivresse des sens,
Morne assoupissement, stupeur et léthargie
Du buveur effréné qui succombe à l’orgie.
Tous ces fronts, où la peur secouait le remord,
Ne rêvaient, assoupis, que le crime ou la mort ;
De leurs cœurs, en dormant, ils écartaient des glaives,
Et la nuit sanglotait, pleine du bruit des rêves !

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A chaque acte infernal de ce lugubre drame,
Le visage des dieux montrait leur joie infâme.
On lisait sur leurs fronts, moites de cruauté,
Que- la douleur humaine était leur volupté,
Et plus ce jeu féroce outrageait la nature,
Plus l’applaudissement égalait la torture.
Des battements de mains la salle s’ébranlait.
Du féroce Nemphed le front seul se voilait.
Distrait, et sur les yeux la paupière abaissée,
Il roulait dans son front quelque lourde pensée.
Son empire glissant lui pesait dans la main,
Et son règne d’un jour penchait sans lendemain.
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Quand le maître des dieux sur l’homme et sur la femme
Dans un premier regard eut assouvi son âme,
Les bourreaux prosternés racontèrent comment
La mort, éclair vengeur tombé du firmament,
Avait exécuté leurs volontés suprêmes,
Pulvérisé l’impie et puni ses blasphèmes ;
Comment ce nid obscur de malédiction,
D’où sortait le murmure et la sédition,
Avait vu dévorer en cendre par les flammes
Ce livre empoisonneur qui fascinait les âmes ;
Comment, de cette grotte hôtes mystérieux,
Ces deux beaux étrangers avaient ravi leurs yeux,
Et comment, transportés dans la barque céleste,
Ils attendaient, soumis, leur destin d’un seul geste.
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