Nouvelles méditations poétiques
Elles sont de ses pas le divin marchepied,
C’est là qu’environné de ses foudres sublimes
Il vole, il descend, il s’assied.
Sina, l’Olympe même, en conservent la trace ;
L’Oreb, en tressaillant, s’inclina sous ses pas ;
Thor entendit sa voix, Gelboé vit sa face;
Golgotha pleura son trépas.
Précédant de la nuit le char silencieux,
S’élève lentement dans la voûte des cieux,
Et que l’ombre et le jour se disputent la terre,
Qu’il est doux de porter ses pas religieux
Dans le fond du vallon, vers ce temple rustique
Dont la mousse a couvert le modeste portique,
Mais où le ciel encor parle à des coeurs pieux !
Nautoniers sans étoile, abordez ! c’est le port :
Ici l’âme se plonge en une paix profonde,
Et cette paix n’est pas la mort.
Ici jamais le ciel n’est orageux ni sombre ;
Un jour égal et pur y repose les yeux.
C’est ce vivant soleil, dont le soleil est l’ombre,
Qui le répand du haut des cieux.
Généreux favoris des filles de mémoire,
Deux sentiers différents devant vous vont s’ouvrir :
L’un conduit au bonheur, l’autre mène à la gloire ;
Mortels, il faut choisir.
Ton sort, ô Manoel, suivit la loi commune ;
La muse t’enivra de précoces faveurs ;
Tes jours furent tissus de gloire et d’infortune,
Et tu verses des pleurs !
Harmonies poétiques et religieuses
À quoi sert dans les cieux ton tonnerre inutile,
Disent-ils au Seigneur, quand ton Christ insulté,
Comme au jour où sa mort fit trembler les collines,
Un roseau dans les mains et le front ceint d’épines,
Au siècle est présenté ?
Ainsi qu’un astre éteint sur un horizon vide,
La foi, de nos aïeux la lumière et le guide,
De ce monde attiédi retire ses rayons ;
L’obscurité, le doute, ont brisé sa boussole,
Et laissent diverger, au vent de la parole,
L’encens des nations.
Au doux ciel de la nuit,
Quand l’astre qui sommeille
De la voûte vermeille
A fait tomber le bruit ;
Plus pure et plus sonore,
On y voit sur ses pas
Mille étoiles éclore,
Qu’à l’éclatante aurore
On n’y soupçonnait pas !
Le doux nom de Cynthie aux rochers de Tibur,
Vaucluse a retenu le nom chéri de Laure,
Et Ferrare au siècle futur
Murmurera toujours celui d’Eléonore !
Heureuse la beauté que le poète adore !
Heureux le nom qu’il a chanté !
Toi, qu’en secret son culte honore,
Tu peux, tu peux mourir ! dans la postérité
Il lègue à ce qu’il aime une éternelle vie,
Douce mer dont les flots chéris,
Ainsi qu’une amante fidèle,
Jettent une plainte éternelle
Sur ces poétiques débris.
Que j’aime à flotter sur ton onde.
A l’heure où du haut du rocher
L’oranger, la vigne féconde,
Versent sur ta vague profonde
Une ombre propice au nocher !
Dont le rocher s’est couronné,
Parlez à ce tronc séculaire,
Demandez comment il est né.
Un gland tombe de l’arbre et roule sur la terre,
L’aigle à la serre vide, en quittant les vallons,
S’en saisit en jouant et l’emporte à son aire
Pour aiguiser le bec de ses jeunes aiglons;
Bientôt du nid désert qu’emporte, la tempête
Il roule confondu dans les débris mouvants,
Quels éclairs, sur tes flancs, éblouissent les yeux !
Les noires vapeurs de l’abîme
Roulent en plis sanglants leurs vagues dans tes cieux !
La nue enflammée
Où ton front se perd
Vomit la fumée
Comme un chaume verd;
Le ciel d’où s’échappe