Le soir s’est fait un lit dans la ville qui dort. La lune a égaré la Muse du Poète Et sa barque, amarrée aux anneaux du vieux port, Ondule et ondoie comme une girouette.
Mais que laisserons-nous aux enfants du futur ? Il n’y aura plus d’eau, ni d’arbres, ni de vie. Quand nous aurons brûlé chaque arpent de nature, L’abîme engloutira nos années de folie.
Mon enfance a sombré dans le vide des rêves Et mes pas, alourdis par de vieux souvenirs, Errant et miséreux, s’attardent sur la grève Où le vent de l’automne défie l’avenir.
Les débris du miroir ont ridé la surface De l’étang de ma vie. J’ai oublié les jeux, oublié les enfants, J’ai oublié aussi, sur les pavés mouillés, Les rondes et les cris, j’ai oublié les chants, J’ai verrouillé le temps de mes jeunes années.
Mon enfance est bien loin et dort dessous les pierres Et mon passé n’est plus qu’un point sur l’horizon ; Toi l’oiseau, qui fend l’air, dit à mon ami Pierre Qu’à l’aurore, demain, ils le pendouilleront,
Lorsque j’ai pris la mer, mon cœur était en fête, Le soleil, gentiment, de la brume émergeait Dardant ses ongles d’or sur les mâts et ma tête, Palpitant sur mon front d’enfant émerveillé.
{mosimage}Ô temps suspendu ! Innocence lointaine, L'enfance n'est plus. Feuille d'automne, Souvenirs d'amours perdus, Chagrin des départs.
Je suis née pour mourir ; il faudra que je meure. Mais, avant que mon âme, ne s’envole aux cieux, Avant, qu’au sablier du temps, ne sonne l’heure, Je veux encor aimer, avant l’ultime adieu.
Un aigle s’est posé sur sa plus haute crête, Son royaume, ici-bas, est hostile et austère, Le silence s’égare en son aire muette Tel l’aveugle à l’abri de ses closes paupières.
Toute nue, sur le sable, et les cheveux au vent, Je me donne au soleil sans honte et sans remords, Et ma lèvre à le goût du sel qui s’évapore En nuages ouatés comme un rêve d’amant.