Derrière deux grands bœufs ou deux lourds percherons L’homme marche courbé dans le pré solitaire, Ses poignets musculeux rivés aux mancherons De la charrue ouvrant le ventre de la terre.
À M. le lieutenant-colonel A. Audet L’autre jour, j’errais seul au milieu d’une plaine Que le soleil de mai noyait de ses rayons… Après avoir longé quelque temps des sillons, Je m’assis sous l’ombrage ondoyant d’un grand chêne.
Issu des immortels pionniers d’autrefois, Robuste et courageux comme l’étaient ses pères, Qui bravaient l'Iroquois jusque dans ses repaires, Un jeune bûcheron s’enfonce sous les bois.
Le doux printemps sourit à la terre charmée, Et mai fait reverdir les prés et les forêts ; Des souffles enivrants agitent la ramée ; Des nuages d’encens s’élèvent des guérets ; Et l’oiseau, sous le dais de la branche embaumée, Mêle sa voix aux chants des ruisseaux clairs et frais.
Le soleil fond la neige et fait rayonner l’eau ; Dans les branches frémit la sève prisonnière ; Et l’érable, sentant la chaleur printanière, Verse ses pleurs de miel au godet de bouleau.
L’érable si haut dans l’espace Dresse son faîte audacieux, Que le bouvreuil, même à voix basse, Y parle avec l’oiseau des cieux.
La nuit d’hiver déjà descend… La neige tombe fine et drue, Et sous ses flocons le passant Semble un spectre blanc dans la rue.
On a fait un palais avec des blocs de glace. Son portail est orné d’étranges frondaisons. Du sommet transparent de sa tour l’œil embrasse De séduisants aspects, d’immenses horizons.
Malgré le vent d’hiver hurlant sur les toitures, Maigre les tourbillons qui dérobent les cieux, Les citadins, couverts de leurs chaudes fourrures, Courent de toutes parts, follement anxieux ; Et des squares, des quais, des trottoirs, des voitures, Monte comme un concert de murmures joyeux.
À M. Louis Bélanger La nuit d’hiver étend son aile diaphane Sur l’immobilité morne de la savane Qui regarde monter, dans le recueillement, La lune, à l’horizon, comme un saint-sacrement. L’azur du ciel est vif, et chaque étoile blonde Brille à travers les fûts de la forêt profonde. La rafale se tait, et les…