Je n’ai jamais foulé tes falaises hautaines, Je n’ai pas vu tes pins verser leurs larmes d’or, Je n’ai pas vu tes nefs balancer leurs antennes ; Pourtant je te chéris, vieux pays de l’Armor.
Notre langue naquit aux lèvres des Gaulois. Ses mots sont caressants, ses règles sont sévères, Et, faite pour chanter les gloires d’autrefois, Elle a puisé son souffle aux refrains des trouvères.
Légende Couverte de drapeaux et de vertes guirlandes, Ouvrant aux brises d’août ses voiles toutes grandes, La flotte de Rollo ― Québec s’était livré ― Remontait le courant du grand fleuve éploré, Cinglant vers Montréal rongé par la famine.
Nos ancêtres, sortis de la vieille Armorique, Après un siècle entier d’une lutte homérique, Aux plaines d’Abraham succombèrent enfin, Écrasés par le nombre et vaincus par la faim, Louis quinze étant sourd aux longs cris de souffrance Qui s’élevaient des bords de la Nouvelle-France.
À M. le Docteur E. Chapleau Le Canada brillait de sa beauté première Dans l’éblouissement vaste de la lumière Que l’été radieux, fécond et solennel, N’avait versée encor que sous l’œil éternel. Il dormait, entouré d’un farouche mystère, Plein d’une majesté que nul âge n’altère, Bercé, dans son sommeil, par les concerts géants
À M René Bazin, de l’Académie française I Issu de ces Bretons, altiers comme le chêne, Qu’enivraient les clameurs du vent qui se déchaîne A travers les embruns des grands flots aboyants, De ces marins, aussi courageux que croyants, Qui sur chaque océan déferlaient leurs voilures, Cartier grandit avec la soif des aventures, Et…
éclairant le monde À Bartholdi Le bronze colossal domine l’Océan, Où New-York, plein d’orgueil, mire son front géant, Où la vaste cité, nouvelle Babylone, Projette l’aveuglant éclat qui la couronne. Il nargue les assauts formidables des vents Et se rit des crachats que les grands flots mouvants Lui lancent dans leurs jours de délire…
I Avant de terminer, mère, un dernier volume, Je suis venu, d’un pas ému, te l’apporter. Mère, au bord de ta fosse, où l’oiseau vient chanter, Sens-tu mon pied fouler le sol que mai parfume ?…