Oui, je suis le rêveur ; je suis le camarade Des petites fleurs d'or du mur qui se dégrade, Et l'interlocuteur des arbres et du vent. Tout cela me connaît, voyez-vous. J'ai souvent, En mai, quand de parfums les branches sont gonflées,
Ô souvenirs ! printemps ! aurore ! Doux rayon triste et réchauffant ! – Lorsqu'elle était petite encore, Que sa soeur était tout enfant… –
Ô gouffre ! l'âme plonge et rapporte le doute. Nous entendons sur nous les heures, goutte à goutte, Tomber comme l'eau sur les plombs ; L'homme est brumeux, le monde est noir, le ciel est sombre ; Les formes de la nuit vont et viennent dans l'ombre ; Et nous, pâles, nous contemplons.
Nous allions au verger cueillir des bigarreaux. Avec ses beaux bras blancs en marbre de Paros Elle montait dans l'arbre et courbait une branche ; Les feuilles frissonnaient au vent ; sa gorge blanche, O Virgile, ondoyait dans l'ombre et le soleil ;
O femme, pensée aimante Et coeur souffrant, Vous trouvez la fleur charmante Et l'oiseau grand ;
Mugissement des boeufs, au temps du doux Virgile, Comme aujourd'hui, le soir, quand fuit la nuit agile, Ou, le matin, quand l'aube aux champs extasiés Verse à flots la rosée et le jour, vous disiez :
Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ. Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant, Noir squelette laissant passer le crépuscule. Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule, L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx.
Mon bras pressait ta taille frêle Et souple comme le roseau ; Ton sein palpitait comme l'aile D'un jeune oiseau.
Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe, L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe, Belle, et toutes deux joyeuses, ô douceur ! Voyez, la grande soeur et la petite soeur
(extrait) … Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ? Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ? Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement