Je pensais au repos, et le céleste feu Qui me fournit des vers s'alentissait un peu, Lorsque le messager qui m'a rendu ta lettre, Dans ma première ardeur m'est venu tout remettre. J'ai d'abord à peu près deviné ton dessein;
Si votre doux accueil n'eût consolé ma peine, Mon âme languissait, je n'avais plus de veine, Ma fureur était morte et mes esprits, couverts D'une tristesse sombre, avaient quitté les vers. Ce métier est pénible, et notre sainte étude Ne connaît que mépris, ne sent qu'ingratitude:
Dans ce temple, où la passion Me mit dedans le coeur les beautés de Madame, Je bénissais l'Amour encore que sa flamme Détournât ma dévotion.
Donne un peu de relâche au deuil qui t'a surpris, Ne t'oppose jamais aux droits de la nature, Et pour l'amour d'un corps ne mets point tes esprits Dedans la sépulture.
La frayeur de la mort ébranle le plus ferme: Il est bien malaisé Que dans le désespoir et proche de son terme L'esprit soit apaisé. L'âme la plus robuste et la mieux préparée Aux accidents du sort,
Je jure le jour et la nuit Et la froide horreur de la nuit Où la tristesse me convie, Que le temps de mon amitié Doit plus durer de la moitié Que ne fait celui de ma vie.
Quand tu me vois baiser tes bras, Que tu poses nus sur tes draps, Bien plus blancs que le linge même; Quand tu sens ma brûlante main Se promener dessus ton sein, Tu sens bien, Cloris, que je t'aime.
J'ai trop d'honneur d'être amoureux, Et vois bien que les plus heureux Ont droit de me porter envie: Mais quoi que menace le sort, Je puis bien défier la mort Puisque vous possédez ma vie.
Eloigné de vos yeux où j'ai laissé mon âme, Je n'ai de sentiment que celui du malheur, Et sans un peu d'espoir, qui luit parmi ma flamme, Mon trépas eût été ma dernière douleur.
S'il est vrai, Cloris, que tu m'aimes, Mais j'entends que tu m'aimes bien, Je ne crois point que les rois mêmes Aient un heur comme le mien. Que la mort serait importune