Se plaignait, pâle de rage,
A tous les bois d’alentour.
Alors il vit, sous l’ombrage,
Des enfants à l’oeil d’azur
Lui présenter un lait pur
Et les noirs raisins des treilles.
Mais il leur dit : Laissez-moi,
Vous qui jouez sans effroi,
Enfants aux lèvres vermeilles !
Je vois au grand soleil tes cheveux insolents
Rayonner et frémir, dignes d’un chant lyrique.
Jaunes comme l’arc d’or de la nymphe homérique,
Ils courent sur ton sein par de hardis élans.
Et l’ivoire qui mord leurs anneaux ruisselants,
Avant de contenir cette extase féerique
Arrêterait plutôt les fleuves d’Amérique
Où la neige des monts pleure depuis mille ans.
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Flottent dans le sommeil comme de blanches voiles,
Entends-tu sur les bords de ce lac plein d’étoiles
Chanter les rossignols aux suaves gosiers ?
Sans doute, soulevant les flots extasiés
De tes cheveux touffus et de tes derniers voiles,
Les coussins attiédis, les draps aux fines toiles
Baisent ton sein, fleuri comme un bois de rosiers ?
Vois-tu, du fond de l’ombre où pleurent tes pensées,
Fuir les fantômes blancs des pâles délaissées,
L’aigle à ses pieds veillait, ayant quitté son aire ;
Le lion devant lui se couchait, débonnaire,
L’abeille était joyeuse et lui donnait son miel.
Il avait sur son front le signe essentiel,
Et du rouge vêtu, comme un tortionnaire,
Dans sa droite féroce il portait le tonnerre,
Étant celui qui fait la clarté dans le ciel.
Pourtant, sans être ému de sa terrible approche,
Moi, je chantais mon ode et j’emplissais la roche,
Rouvre un instant les yeux, mourante aux blanches ailes !
Le vautour qui te tue expire, déchiré
Par des flèches mortelles.
Va, tu tombes vengée, ô victime, et ta soeur
Peut voir, en traversant la forêt d’ombre pleine,
L’oiseau tout sanglant pendre au carquois d’un chasseur
Qui passe dans la plaine.
Le jeune archer, folâtre et chantant des chansons,
Passe, sa proie au dos, par les herbes fleuries,
Laissant déchiqueter par les dents des buissons
Ces dépouilles meurtries.
Le sang de la coupe
Théodore de Banville
Dis-moi, le gardes-tu sur le tronc d’un bouleau,
Ce nom que j’appelais mon espoir et mes forces,
Et que j’avais gravé partout dans tes écorces ?
Elle, enfant comme moi, nous allions, le matin,
Respirer les odeurs de verdure et de thym,
Et voir tes rochers gris s’éveiller dans la flamme.
Puis, quand se reposait celle qui fut mon âme,
Lorsque tes horizons brûlent, que, vers midi,
Le serpent taché d’or se relève engourdi,