Au temps où les plaines sont vertes, Où le ciel dore les chemins, Où la grâce des fleurs ouvertes Tente les lèvres et les mains,
Les grands appartements qu'elle habite l'hiver Sont tièdes. Aux plafonds, légers comme l'éther, Planent d'amoureuses peintures.
Vous qui m'aiderez dans mon agonie, Ne me dites rien ; Faites que j'entende un peu d'harmonie, Et je mourrai bien.
Dans cette mascarade immense des vivants Nul ne parle à son gré ni ne marche à sa guise ; Faite pour révéler, la parole déguise, Et la face n'est plus qu'un masque aux traits savants.
Une eau croupie est un miroir Plus fidèle encor qu'une eau pure, Et l'image la transfigure, Prêtant ses couleurs au fond noir.
Heureuses les lèvres de chair ! Leurs baisers se peuvent répondre ; Et les poitrines pleines d'air ! Leurs soupirs se peuvent confondre.
Seras-tu de l'amour l'éternelle pâture ? A quoi te sert la volonté, Si ce n'est point, ô coeur, pour vaincre ta torture, Et dans la paix enfin, plus fort que la nature, T'asseoir sur le désir dompté,
À vingt ans on a l'oeil difficile et très fier : On ne regarde pas la première venue, Mais la plus belle ! Et, plein d'une extase ingénue, On prend pour de l'amour le désir né d'hier.
Ô ma chère âme, seuls tous deux,
Qu’il est bon d’oublier les hommes,
Si près d’eux !
Pour ralentir l’heure fuyante,
Pour la goûter, il ne faut pas
Une félicité bruyante ;
Parlons bas.
Craignons de la hâter d’un geste,
D’un mot, d’un souffle seulement,
Sans raisonnable loi ni prévoyant génie ?
Ou bien m’as-tu donné par cruelle ironie
Des lèvres et des mains, l’ouïe et le regard ?
Il est tant de saveurs dont je n’ai point ma part,
Tant de fruits à cueillir que le sort me dénie !
Il voyage vers moi tant de flots d’harmonie,
Tant de rayons qui tous m’arriveront trop tard !
Et si je meurs sans voir mon idole inconnue,
Si sa lointaine voix ne m’est point parvenue,