Qui dis, qu’il n’y a mal sinon que l’infamie,
Si tu portois celui que me cause m’amie,
Pour le moins tu dirois que c’est quelque malheur.
Je sen journelement un aigle sus mon coeur,
J’entens un soing grifu, qui come une Furie
Me ronge impatient, puis tu veus que je die,
Abusé de tes mots, que mal n’est pas douleur
Vous en disputerés ainsi que bon vous semble,
Vous Philosofes, Grés, et vous Romains ensemble,
Agenouillés, nous ferons
Les dévots selon la guise
De ceux qui pour louer Dieu
Humbles se courbent au lieu
Le plus secret de l’église.
Mais quand au lit nous serons
Entrelacés, nous ferons
Les lascifs selon les guises
Des amants qui librement
Qui m’es plus fidel’ compaignon
Qu’Oreste ne fut à Pilade,
Tout le jour quand je suis malade
Mes valets qui pour leur devoir
Le soing de moy debvroient avoir,
Vont à leur plesir par la vile,
Et ma vieille garde inutile,
Aptes avoir largement beu,
Yvre, s’endort aupres du feu,
Aussi veus-je qu’egallement
On m’ayme d’une amour ardente :
Toute amitié froidement lente
Qui peut dissimuler son bien
Ou taire son mal, ne vaut rien,
Car faire en amours bonne mine
De n’aymer point c’est le vray sine*.
Les amans si frois en esté
Admirateurs de chasteté,
Par Dieu je plumerai ton aile
Si je t’empongne, ou d’un couteau
Je te couperai ta languette,
Qui matin sans repos caquette
Et m’estourdit tout le cerveau.
Je te preste ma cheminée
Pour chanter toute la journée,
De soir, de nuit, quand tu voudras :
Mais au matin ne me reveille,
Et ne m’oste quand je sommeille
Ma Cassandre d’entre mes bras.
Les meslanges
Pierre de Ronsard
Je me promenois un jour
Devant l’huis de ma cruelle,
Et tant rebuté j’estois,
Qu’en jurant je prometois
De m’enfuir de chez elle.
Il sufist d’avoir esté
Neuf ou dix ans arresté
Es cordes d’Amour, disoie,
Il faut m’en developer,
Malades d’une langueur
L’une à l’autre différente,
Toujours une fievre ardente
Le pauvre coeur me bruloit,
Et toujours l’oeil distiloit
Une pluye caterreuse,
Qui s’écoulant dangereuse
Tout le cerveau m’espuisoit.
Lors mon coeur aus yeus disoit :
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Coment es-tu si hardie
D’assaillir mon pauvre cors
Qu’amour dedans et dehors
De nuit et de jour m’enflame,
Jusques au profond de l’ame ;
Et sans pitié prend à jeu
De le mettre tout en feu :
Nyer des vers, douce aloüette ?
Quant à moy je ne l’oserois,
Je veux celebrer ton ramage
Sur tous oyseaus qui sont en cage,
Et sur tous ceus qui sont es bois.
Qu’il te fait bon ouyr ! à l’heure
Que le bouvier les champs labeure
Quand la terre le printems sent,
Qui plus de ta chanson est gaye,
Dame, je ne vous donne rien
Car tout le bien qui estoit nostre
Amour dès le jour le fit vostre
Que vous me fistes prisonnier,
Mais tout ainsi qu’un jardinier
Envoye des presens au maistre
De son jardin loüé, pour estre
Toujours la grace desservant
De l’heritier, qu’il va servant