Somme, doux repos de nos yeux. Aimé des hommes et des dieux, Fils de la Nuit et du Silence, Qui peux les esprits délier, Qui fais les soucis oublier, Endormant toute violence.
Quand nous aurons passé l'Infernale rivière, Vous et moy pour nos maux damnez aux plus bas lieux, Moy pour avoir sans cesse idolâtré vos yeux Vous pour être à grand tort de mon coeur la meurtrière.
S'il est vrai que le ciel ait sa course éternelle, Que l'air soit inconstant, la mer sans fermeté, Que la terre en hiver ne ressemble à l'été, Et que pour varier la nature soit belle ;
Si la foi plus certaine en une âme non feinte, Un honnête désir, un doux languissement, Une erreur variable et sentir vivement, Avec peur d'en guérir, une profonde atteinte ;
Solitaire et pensif, dans un bois écarté, Bien loin du populaire et de la tourbe épaisse, Je veux bâtir un temple à ma fière déesse, Pour apprendre mes voeux à sa divinité.
Vos yeux, belle Diane, ont autant de puissance Qu'une arquebuse à roue, et vos sourcils voûtés, Ce sont deux arcs turquois, qui rendent surmontés Les coeurs qui pensent plus faire de résistance,
Votre coeur vous avez changé,
Et moi, sachant cette inconstance,
Le mien autre part j’ai rangé :
Jamais plus, beauté si légère
Sur moi tant de pouvoir n’aura
Nous verrons, volage bergère,
Qui premier s’en repentira.
Tandis qu’en pleurs je me consume,
Maudissant cet éloignement,
Qui renflammes le ciel de nouvelle clarté,
T’ai-je donc aujourd’hui tant de fois désirée
Pour être si contraire à ma félicité ?
Pauvre moi ! je pensais qu’à ta brune rencontre
Les cieux d’un noir bandeau dussent être voiles
Mais, comme un jour d’été, claire tu fais ta montre,
Semant parmi le ciel mille feux étoilés.
Et toi, soeur d’Apollon, vagabonde courrière,
Qui pour me découvrir flambes si clairement,
Non pour gloire ou plaisir, ains forcé du martire,
Voyans par quels destroits Amour m’a sçeu conduire,
Sages à mes dépens, fuiront ses cruautez.
Quels esprits malheureux, nuict et jour tourmentez,
Souffrent un mal si grand que le mien ne soit pire ?
Il ne se peut penser, comment le veux-je dire,
Ou peindre en du papier si grandes nouveautez ?
Je cherchois obstiné des glaçons en la flamme,
Foiblesse au diamant, constance en une femme,
J’en ai toujours au coeur la souvenance empreinte,
Quand le ciel nous lia d’une si ferme étreinte
Que la mort ne saurait nous séparer d’ainsi.
L’an était en sa force et notre amour aussi,
Nous faisions l’un à l’autre une aimable complainte,
J’étais jaloux de vous, de moi vous aviez crainte,
Mais rien qu’affection ne causait ce souci.
Amours, qui voletiez à l’entour de nos flammes
Comme gais papillons, où sont deux autres âmes