Ô Songe heureux et doux ! où fuis-tu si soudain, Laissant à ton départ mon âme désolée ? Ô douce vision, las ! où es-tu volée, Me rendant de tristesse et d'angoisse si plein ?
Quand j'approche de vous, et que je prends l'audace De regarder vos yeux, rois de ma liberté, Une ardeur me saisit, je suis tout agité, Et mille feux ardents en mon coeur prennent place.
Somme, doux repos de nos yeux. Aimé des hommes et des dieux, Fils de la Nuit et du Silence, Qui peux les esprits délier, Qui fais les soucis oublier, Endormant toute violence.
Quand nous aurons passé l'Infernale rivière, Vous et moy pour nos maux damnez aux plus bas lieux, Moy pour avoir sans cesse idolâtré vos yeux Vous pour être à grand tort de mon coeur la meurtrière.
S'il est vrai que le ciel ait sa course éternelle, Que l'air soit inconstant, la mer sans fermeté, Que la terre en hiver ne ressemble à l'été, Et que pour varier la nature soit belle ;
Si la foi plus certaine en une âme non feinte, Un honnête désir, un doux languissement, Une erreur variable et sentir vivement, Avec peur d'en guérir, une profonde atteinte ;
Solitaire et pensif, dans un bois écarté, Bien loin du populaire et de la tourbe épaisse, Je veux bâtir un temple à ma fière déesse, Pour apprendre mes voeux à sa divinité.
Vos yeux, belle Diane, ont autant de puissance Qu'une arquebuse à roue, et vos sourcils voûtés, Ce sont deux arcs turquois, qui rendent surmontés Les coeurs qui pensent plus faire de résistance,