Du lait, des pavots noirs aux têtes couronnées ;
Veuille tes ailerons en ce lieu déployer,
Tant qu’Alison la vieille accroupie au foyer,
Qui d’un pouce retors et d’une dent mouillée,
Sa quenouille chargée a quasi dépouillée,
Laisse choir le fuseau, cesse de babiller,
Et de toute la nuit ne se puisse éveiller ;
Afin qu’à mon plaisir j’embrasse ma rebelle,
L’amoureuse Isabeau qui soupire auprès d’elle.
Bergeries
Philippe Desportes
Entre les siens franc de haine et d’envie,
Parmi les champs, les forêts et les bois,
Loin du tumulte et du bruit populaire,
Et qui ne vend sa liberté pour plaire
Aux passions des princes et des rois !
Il n’a souci d’une chose incertaine;
Il ne se plaît d’une espérance vaine ;
Nulle faveur ne le va décevant,
De cent fureurs il n’a l’âme embrasée
Déesse, où t’es-tu retirée,
Me laissant en captivité ?
Hélas! de moi ne te détourne !
Retourne, ô Liberté ! retourne,
Retourne, ô douce Liberté.
Ton départ m’a trop fait connaître
Le bonheur où je soulais être,
Quand, douce, tu m’allais guidant :
Et que, sans languir davantage,
A la couleur d’argent, semble parler d’Amour ;
Un herbage mollet reverdit tout autour,
Et les aunes font ombre à la chaleur brûlante.
Le feuillage obeyt à Zephyr qui l’évante,
Souspirant, amoureux, en ce plaisant séjour ;
Le soleil clair de flame est au milieu du jour,
Et la terre se fend de l’ardeur violante.
Passant, par le travail du long chemin lassé,
Brûlé de la chaleur et de la soif pressé,
D’estre serves dessous les loix
Des hommes legers et muables
Plus que le feuillage des bois !
Les pensers des hommes ressemblent
A l’air, aux vens et aux saisons,
Et aux girouettes qui tremblent
Inconstamment sur les maisons.
Leur amour est ferme et constante
Comme la mer grosse de flots,
Qui bruit, qui court, qui se tourmente,
Et jamais n’arreste en repos. …
Bergeries
Philippe Desportes