Aux chers lieux d’autrefois revus après ces choses !
Tout bruit, la nature et l’homme, dans un bain
De lumière si blanc que les ombres sont roses.
L’or des pailles s’effondre au vol siffleur des faux
Dont l’éclair plonge, et va luire, et se réverbère.
La plaine, tout au loin couverte de travaux,
Change de face à chaque instant, gaie et sévère.
Tout halète, tout n’est qu’effort et mouvement
Sous le soleil, tranquille auteur des moissons mûres,
Montons sur la colline où le soleil est né
Si glorieux qu’il fait comprendre l’idolâtre,
Sous cette perspective, inconnue au théâtre,
D’arbres au vent et de poussière d’ombre et d’or.
Montons. Il fait si frais encor, montons encor.
Là ! nous voilà placés comme dans une ” loge
De face ” , et le décor vraiment tire un éloge.
La cathédrale énorme et le beffroi sans fin
Ces toits de tuile sous ces verdures, le vain
La reine d’ici-bas, et littéralement !
Elle dit peu de mots de ce gouvernement
Et ne s’arrête point aux détails de surcroît ;
Mais le Point, à son sens, celui qu’il faut qu’on voie
Et croie, est ceci dont elle la complimente :
Le libre arbitre pèse, argue et parlemente,
Puis le pauvre de coeur décide et suit sa voie.
Qui l’en empêchera ? De voeux il n’en a plus
Que celui d’être un jour au nombre des élus,
Laissent au coeur du délétère
Et de l’affreusement amer,
Fraternelles et conjugales,
Paternelles et filiales,
Civiques et nationales
Les charnelles, les idéales
Toutes ont la guêpe et le ver.
La mort prend ton père et ta mère,
Ton frère trahira son frère,
Où rage le soleil comme en pays conquis.
Tous les vices ont leur tanière, les exquis
Et les hideux, dans ce désert de pierres blanches.
Des odeurs ! Des bruits vains ! Où que vague le coeur,
Toujours ce poudroiement vertigineux de sable,
Toujours ce remuement de la chose coupable
Dans cette solitude où s’écœure le coeur !
De près, de loin, le Sage aura sa thébaïde
Parmi le fade ennui qui monte de ceci,
D’autant plus âpre et plus sanctifiante aussi,
Que deux parts de son âme y pleurent, dans ce vide !
Sagesse
Paul Verlaine
Que les cathédrales,
Nourrice fidèle,
Berceuse de râles,
La mer sur qui prie
La Vierge Marie !
Elle a tous les dons
Terribles et doux.
J’entends ses pardons
Gronder ses courroux.
Le Temps passé vivace et bon père,
Une entreprise à jamais prospère :
Quelle puissante et calme cité !
Il semble ici qu’on vit dans l’histoire.
Tout est plus fort que l’homme d’un jour.
De lourds rideaux d’atmosphère noire
Font richement la nuit alentour.
Ô civilisés que civilise
L’Ordre obéi, le Respect sacré !
Ô dans ce champ si bien préparé
Cette moisson de la Seule Église !
Sagesse
Paul Verlaine
Moutonne à l’infini, mer
Claire dans le brouillard clair
Qui sent bon les jeunes baies.
Des arbres et des moulins
Sont légers sur le vert tendre
Où vient s’ébattre et s’étendre
L’agilité des poulains.
Dans ce vague d’un Dimanche
Voici se jouer aussi
L’espoir qu’il faut, regret des grâces dépensées,
Douceur de coeur avec sévérité d’esprit,
Et cette vigilance, et le calme prescrit,
Et toutes ! – Mais encor lentes, bien éveillées,
Bien d’aplomb, mais encor timides, débrouillées
À peine du lourd rêve et de la tiède nuit.
C’est à qui de vous va plus gauche, l’une suit
L’autre, et toutes ont peur du vaste clair de lune.
” Telles, quand des brebis sortent d’un clos. C’est une,
Les buissons tout noirs et tout verts,
Glaçant la neige éparpillée,
Dans la campagne ensoleillée.
L’odeur est aigre près des bois,
L’horizon chante avec des voix,
Les coqs des clochers des villages
Luisent crûment sur les nuages,
C’est délicieux de marcher
À travers ce brouillard léger