Poésie Paul Verlaine

Amour

Je vois un groupe sur la mer.
Quelle mer ? Celle de mes larmes.
Mes yeux mouillés du vent amer
Dans cette nuit d’ombre et d’alarmes
Sont deux étoiles sur la mer.

C’est une toute jeune femme
Et son enfant déjà tout grand
Dans une barque où nul ne rame,
Sans mât ni voile, en plein courant…
Un jeune garçon, une femme !
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Qu’on lui avait dérobé

Seul bijou de ma pauvreté,
Ton mince argent, ta perle fausse
(En tout quatre francs), ont tenté
Quelqu’un dont l’esprit ne se hausse,

Parmi ces paysans cafards
À vous dégoûter d’être au monde,
– Tas d’Onans et de Putiphars ! –
Que juste au niveau de l’immonde,
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À propos de deux ormeaux qu’il avait

À Léon Vanier

Mon jardin fut doux et léger
Tant qu’il fut mon humble richesse :
Mi-potager et mi-verger,
Avec quelque fleur qui se dresse
Couleur d’amour et d’allégresse,
Et des oiseaux sur des rameaux,
Et du gazon pour la paresse.
Mais rien ne valut mes ormeaux.

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À Germain Nouveau
Église Saint-Géry, Arras.

Au bout d’un bas-côté de l’église gothique,
Contre le mur que vient baiser le jour mystique
D’un long vitrail d’azur et d’or finement roux,
Le Crucifix se dresse, ineffablement doux,
Sur sa croix peinte en vert aux arêtes dorées,

Et la gloire d’or sombre en langues échancrées
Flue autour de la tête et des bras étendus,
Tels quatre vols de flamme en un seul confondus.
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À Francis Poictevin

Le long bois de sapins se tord jusqu’au rivage,
L’étroit bois de sapins, de lauriers et de pins,
Avec la ville autour déguisée en village :
Chalets éparpillés rouges dans le feuillage
Et les blanches villas des stations de bains.

Le bois sombre descend d’un plateau de bruyère,
Va, vient, creuse un vallon, puis monte vert et noir
Et redescend en fins bosquets où la lumière
Filtre et dore l’obscur sommeil du cimetière
Qui s’étage bercé d’un vague nonchaloir.
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À J. K Huysmans

Simplement, comme on verse un parfum sur une flamme
Et comme un soldat répand son sang pour la patrie,
Je voudrais pouvoir mettre mon coeur avec mon âme
Dans un beau cantique à la sainte Vierge Marie.

Mais je suis, hélas ! un pauvre pécheur trop indigne,
Ma voix hurlerait parmi le choeur des voix des justes :
Ivre encor du vin amer de la terrestre vigne,
Elle pourrait offenser des oreilles augustes.
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À Edmond Lepelletier

J’ai naguère habité le meilleur des châteaux
Dans le plus fin pays d’eau vive et de coteaux :
Quatre tours s’élevaient sur le front d’autant d’ailes,
Et j’ai longtemps, longtemps habité l’une d’elles.
Le mur, étant de brique extérieurement,
Luisait rouge au soleil de ce site dormant,
Mais un lait de chaux, clair comme une aube qui pleure,
Tendait légèrement la voûte intérieure.

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Seigneur, exaucez et dictez ma prière, Vous la pleine Sagesse et la toute Bonté, Vous sans cesse anxieux de mon heure dernière, Et qui m'avez aimé de toute éternité.

( A Émile Le Brun) "Angels" ! seul coin luisant dans ce Londres du soir, Où flambe un peu de gaz et jase quelque foule, C'est drôle que, semblable à tel très dur espoir, Tout souvenir m'obsède et puissamment enroule Autour de mon esprit un regret rouge et noir :

Ta voix grave et basse Pourtant était douce Comme du velours, Telle, en ton discours, Sur de sombre mousse De belle eau qui passe.

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