Nocturne Douce lune des fleurs, j'ai perdu ma couronne ! Je ne sais quel orage a passé sur ces bords. Des chants de l'espérance il éteint les accords, Et dans la nuit qui m'environne, Douce lune des fleurs, j'ai perdu ma couronne.
Les rumeurs du jardin disent qu'il va pleuvoir ; Tout tressaille, averti de la prochaine ondée : Et toi qui ne lis plus, sur ton livre accoudée, Plains-tu l'absent aimé qui ne pourra te voir ?
J'irai, j'irai porter ma couronne effeuillée Au jardin de mon père où revit toute fleur ; J'y répandrai longtemps mon âme agenouillée : Mon père a des secrets pour vaincre la douleur.
Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête, Plein de plume choisie, et blanc, et fait pour moi ! Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête, Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !
Beau fantôme de l'innocence, Vêtu de fleurs, Toi qui gardes sous ta puissance Une âme en pleurs !
Ouvre ton aile au vent, mon beau ramier sauvage, Laisse à mes doigts brisés ton anneau d'esclavage ! Tu n'as que trop pleuré ton élément, l'amour ; Sois heureux comme lui : sauve-toi sans retour !
L'eau nous sépare, écoute bien : Si tu fais un pas, tu n'as rien. Voici ma plus belle ceinture, Elle embaume encor de mes fleurs. Prends les parfums et les couleurs, Prends tout… je m'en vais sans parure.
(A Mlle Emilie Bascans) Si j'étais assez grande, Je voudrais voir L'effet de ma guirlande Dans le miroir. En montant sur la chaise, Je l'atteindrais ; Mais sans aide et sans aise, Je tomberais.
Un ami me parlait et me regardait vivre : Alors, c'était mourir… mon jeune âge était ivre De l'orage enfermé dont la foudre est au coeur ; Et cet ami riait, car il était moqueur. Il n'avait pas d'aimer la funeste science. Son seul orage à lui, c'était l'impatience. Léger comme l'oiseau qui siffle avant…
Je suis la prière qui passe Sur la terre où rien n'est à moi ; Je suis le ramier dans l'espace, Amour, où je cherche après toi. Effleurant la route féconde, Glanant la vie à chaque lieu, J'ai touché les deux flancs du monde, Suspendue au souffle de Dieu.