Je ne sais plus d'où naissait ma colère ; Il a parlé… ses torts sont disparus ; Ses yeux priaient, sa bouche voulait plaire : Où fuyais-tu, ma timide colère ? Je ne sais plus.
Enfants ! ma voix s’enferme trop souvent.
Vous grandissez, impatients d’orage ;
Votre aile s’ouvre, émue au moindre vent.
Affermissez votre raison qui chante ;
Veillez sur vous comme a fait mon amour ;
On peut gronder sans être bien méchante :
Embrassez-moi, grondez à votre tour.
Vous n’êtes plus la sauvage couvée,
Assaillant l’air d’un tumulte innocent ;
Dans l’enclos d’un jardin gardé par l’innocence
J’ai vu naître vos fleurs avant votre naissance,
Beau jardin, si rempli d’oeillets et de lilas
Que de le regarder on n’était jamais las.
En me haussant au mur dans les bras de mon frère
Que de fois j’ai passé mes bras par la barrière
Pour atteindre un rameau de ces calmes séjours
Qui souple s’avançait et s’enfuyait toujours !
Que de fois, suspendus aux frêles palissades,
J’écris pourtant,
Afin que dans mon coeur au loin tu puisses lire
Comme en partant.
Je ne tracerai rien qui ne soit dans toi-même
Beaucoup plus beau :
Mais le mot cent fois dit, venant de ce qu’on aime,
Semble nouveau.
Qu’il te porte au bonheur ! Moi, je reste à l’attendre,
Bien que, là-bas,
Est-il au monde un coeur fidèle ?
Ah ! s’il en est un, dis-le moi,
J’irai le chercher avec toi.
Sous le soleil ou le nuage,
Guidée à ton vol qui fend l’air,
Je te suivrai dans le voyage
Rapide et haut comme l’éclair.
Hirondelle ! hirondelle ! hirondelle !
Est-il au monde un coeur fidèle ?
Sur le miroir tari du ruisseau de tes jours.
Toute pleine de jours, toi, tu t’en es allée
Et ton frais souvenir en scintille toujours.
Poésies inédites
Marceline Desbordes-Valmore
Sa voix cruelle et qui m’était si chère
A dit ces mots qui m’atteignaient tout bas :
“Vous qui savez aimer, ne m’aimez pas !
“Ne m’aimez pas si vous êtes sensible,
“Jamais sur moi n’a plané le bonheur.
“Je suis bizarre et peut-être inflexible ;
“L’amour veut trop : l’amour veut tout un coeur
“Je hais ses pleurs, sa grâce ou sa colère ;
“Ses fers jamais n’entraveront mes pas. ”
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Si je pouvais trouver un éternel sourire,
Voile innocent d’un coeur qui s’ouvre et se déchire,
Je l’étendrais toujours sur mes pleurs mal cachés
Et qui tombent souvent par leur poids épanchés.
Renfermée à jamais dans mon âme abattue,
Je dirais : ” Ce n’est rien ” à tout ce qui me tue ;
Et mon front orageux, sans nuage et sans pli,
Du calme enfant qui dort peindrait l’heureux oubli.
Dieu n’a pas fait pour nous ce mensonge adorable,
Au crépuscule errant demandait un peu d’eau ;
Chaque fleur de sa tête inclinait le fardeau
Sur la montagne encor dorée.
Tandis que l’astre en feu descend et va s’asseoir
Au fond de sa rouge lumière,
Dans les arbres mouvants frissonne la prière,
Et dans les nids : ” Bonsoir ! Bonsoir ! ”
Pas une aile à l’azur ne demande à s’étendre,
Pas un enfant ne rôde aux vergers obscurcis,
Et dans tout ce grand calme et ces tons adoucis
Le moucheron pourrait s’entendre.
Poésies inédites
Marceline Desbordes-Valmore
Quand les colombes sont écloses ;
Tes yeux alors pleins de soleil
Ont brillé sur mon teint vermeil.
Souriant à ma destinée,
Par ta douce force entraînée,
Je ne t’aimai pas à demi,
Mon jeune ami, mon seul ami !
À l’étonnement de nos âmes
Tout jetait des fleurs et des flammes ;