Je suis crevé de manger de la soupe.
Du vin! du vin! cependant qu’il est frais.
Verse, garçon, verse jusqu’aux bords,
Car je veux chiffler à longs traits
A la santé des vivants et des morts.
Pour du vin blanc, je n’en tasteray guère;
Je crains toujours le syrop de l’esguière,
Dont la couleur me pourroit attraper.
Baille moi donc de ce vin vermeil:
C’est luy seul qui me fait tauper,
Bref, c’est mon feu, mon sang et mon soleil.
Votre esprit est plus plat qu’un pied de pèlerin ;
Vous pleurez plus d’onguent que n’en fait Tabarin,
Et qui voit votre nez le prend pour une grappe.
Vous avez le museau d’un vieux limier qui lape,
L’oeil d’un cochon rôti, le poil d’un loup marin,
La chair d’un aloyau lardé de romarin,
Et l’embonpoint d’un gueux qui réclame Esculape.
Vous portez comme un cul longue barbe au menton ;
Votre corps est plus sec que le son d’un teston
Que pour me divertir quelquefois je fréquente.
Le maître a bien raison de se nommer La Plante
Car il gagne son bien par une plante aussi.
Vous y voyez Bilot, pâle morne et transi,
Vomir par les naseaux une vapeur errante ;
Vous y voyez Sallard chatouiller la servante
Qui rit du bout du nez en portrait raccourci.
Que ce borgne a bien plus Fortune pour amie
Qu’un de ces curieux qui, soufflant l’alchimie,
Mélanges gracieux de prés et de guérets,
Rustique amphithéâtre où de sombres forêts
S’élèvent chef sur chef pour voir couler la Seine.
Délices de la vue, aimable et riche plaine !
On s’en va mettre à bas les trésors de Cérès,
Que l’on voit ondoyer comme un vaste marets
Quand il est agité d’une légère haleine.
L’or tombe sous le fer ; déjà les moissonneurs,
Dépouillant les sillons de leurs jaunes honneurs,
Qui font pour un sonnet dix jours de cul de plomb
Et qui sont obligés d’en venir aux noms propres
Quand il leur faut rimer ou sur coiffe ou sur poil.
Je n’affecte jamais rime riche ni pauvre
De peur d’être contraint de suer comme un porc,
Et hais plus que la mort ceux dont l’âme est si faible
Que d’exercer un art qui fait qu’on meurt de froid.
Si je fais jamais vers, qu’on m’arrache les ongles,
Qu’on me traîne au gibet, que j’épouse une vieille,
Pied chaussé, l’autre nu, main au nez, l’autre en poche,
J’arpente un vieux grenier, portant sur ma caboche
Un coffin de Hollande en guise de bonnet.
Là, faisant quelquefois le saut du sansonnet
Et dandinant du cul comme un sonneur de cloche,
Je m’égueule de rire, écrivant d’une broche
En mots de Pathelin ce grotesque sonnet.
Mes esprits, à cheval sur ces coquecigrues,
Ainsi que papillons s’envolent dans les nues,
Que tout ce qu’on y voit, que tout ce qu’on y sent
A d’aimables rapports avec le doux accent
De ce divin oiseau qui chante et qui soupire !
Qu’après ces rares sons dont triomphe ta lyre,
Mon oreille se plait au tonnerre innocent
Que l’on oit dans ta voûte où ravi l’on descend
Pour monter en un lieu que seul tu peux décrire !
Que les trésors feuillus de ces rameaux divers,
Formant un beau désordre en leurs ombrages verts,
Que me vient d’apporter mon fidèle génie,
Et joignant aux accords qui naissent de mes doigts
Les saints et graves tons de ma nombreuse voix,
Je chante hautement la première aventure
D’un héros dont la gloire étonna la nature ;
Je décris les hasards qu’il courut au berceau ;
Je dis comment Moïse, en un frêle vaisseau
Exposé sur le Nil, et sans voile, et sans rame,
Au lieu de voir couper sa jeune et chère trame,
Dans la plus sombre humeur de la mélancolie,
Damon, je te décris mes travaux intestins,
Où tu verras l’effort des plus cruels destins
Qui troublèrent jamais un pauvre misérable,
À qui le seul trépas doit être désirable.
Un grand chien maigre et noir, se traînant lentement,
Accompagné d’horreur et d’épouvantement,
S’en vient toutes les nuits hurler devant ma porte,
Redoublant ses abois d’une effroyable sorte.
Que l’Orient révère,
Aurore, fille du Soleil,
Qui nais devant ton père,
Viens soudain me rendre le jour,
Pour voir l’objet de mon amour.
Certes, la nuit a trop duré ;
Déjà les coqs t’appellent :
Remonte sur ton char doré,
Que les Heures attellent,