Louas jadis et ma tresse doree,
Et de mes yeus la beauté comparee
A deus Soleils, dont Amour finement
Tira les trets causez de ton tourment?
Ou estes vous, pleurs de peu de duree?
Et Mort par qui devoit estre honoree
Ta ferme amour et iteré serment?
Donques c’estoit le but de ta malice
De m’asservir sous ombre de service?
Un jour aymer celui dont la figure
Me fut descrite: et sans autre peinture
Le reconnu quand vy premierement:
Puis le voyant aymer fatalement,
Pitié je pris de sa triste aventure:
Et tellement je forçay ma nature,
Qu’autant que lui aymay ardentement.
Qui n’ust pensé qu’en faveur devoit croitre
Ce que le Ciel et destins firent naitre?
Apres avoir mainte beste assenee,
Prenoit le frais, de Nynfes couronnee:
J’allois resvant comme fay maintefois,
Sans y penser: quand j’ouy une vois,
Qui m’apela, disant, Nynfe estonnee,
Que ne t’es tu vers Diane tournee?
Et me voyant sans arc et sans carquois,
Qu’as tu trouvé, o compagne, en ta voye,
Qui de ton arc et flesches ait fait proye?
Esquels prenant plaisir à t’ouir pleindre,
Tu peus, et non sans force, me contreindre
De te donner ce qu’estimois le mieus.
Masques, tournois, jeus me sont ennuieus,
Et rien sans toy de beau ne me puis peindre:
Tant que tachant à ce desir esteindre,
Et un nouvel obget faire à mes yeus,
Et des pensers amoureus me distraire,
Des bois espais sui le plus solitaire:
Le beau jour vient, de lueur revétu.
Quand Phebus ha son cerne fait en terre,
Et l’Ocean il regaigne à grand erre:
Sa seur se montre avec son chef pointu.
Quand quelque tems le Parthe ha combatu,
Il prent la fuite et son arc il desserre.
Un tems t’ay vù et consolé pleintif,
Et defiant de mon feu peu hatif:
Mais maintenant que tu m’as embrasee,
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De celui là pour lequel vois mourant:
Si avec lui vivre le demeurant
De mes cours jours ne m’empeschoit envie:
Si m’acollant me disoit, chere Amie,
Contentons nous l’un l’autre, s’asseurant
Que ja tempeste, Euripe, ne Courant
Ne nous pourra desjoindre en notre vie:
Si de mes bras le tenant acollé,
Comme du Lierre est l’arbre encercelé,
De mes soupirs témoin irreprochable,
De mes ennuis controlleur veritable,
Tu as souvent avec moy lamenté:
Et tant le pleur piteus t’a molesté,
Que commençant quelque son delectable,
Tu le rendois tout soudein lamentable,
Feignant le ton que plein avoit chanté.
Et si te veus efforcer au contraire,
Tu te destens et si me contreins taire:
J’ay chaut estreme en endurant froidure:
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ay grans ennuis entremeslez de joye:
Tout à un coup je ris et je larmoye,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure:
Mon bien s’en va, et à jamais il dure:
Tout en un coup je seiche et je verdoye.
Ainsi Amour inconstamment me meine:
Et quand je pense avoir plus de douleur,
De ce cler Astre, et plus heureus encore
Ce que son oeil de regarder honore.
Que celle là recevroit un bon jour,
Qu’elle pourroit se vanter d’un bon tour
Qui baiseroit le plus beau don de Flore,
Le mieus sentant que jamais vid Aurore,
Et y feroit sur ses levres sejour!
C’est à moy seule à qui ce bien est dù,
Pour tant de pleurs et tant de tems perdu:
Entens ma voix qui en pleins chantera,
Tant que ta face au haut du Ciel luira,
Son long travail et souci ennuieus.
Mon oeil veillant s’atendrira bien mieus,
Et plus de pleurs te voyant gettera.
Mieus mon lit mol de larmes baignera,
De ses travaus voyant témoins tes yeus.
Donq des humains sont les lassez esprits
De dous repos et de sommeil espris.