Les feuilles des bois sont rouges et jaunes ; La forêt commence à se dégarnir ; L'on se dit déjà : l'hiver va venir, Le morose hiver de nos froides zones.
Jours de deuil ! Plus de nids sous le feuillage vert ; Les chantres de l'été désertent nos bocages ; On n'entend que le cri de l'oiseau dans les cages, Avec les coups de bec sonores du pivert.
A M. et Mme C.P*** O mes chers vieux amis, à l'époque trop brève, Et pour moi disparue, hélas ! depuis longtemps, Où l'on voit devant soi l'avenir qui se lève Comme un soleil joyeux sur l'azur du printemps ;
Pittoresque manoir, retraite hospitalière Où Papineau vaincu coula ses derniers jours, J'aime à revoir tes murs, ta terrasse, tes tours Secouant au soleil leur panache de lierre.
Adieu les jours sereins, et les nuits étoilées ! La neige à flocons lourds s'amoncelle à foison Au penchant des coteaux, dans le fond des vallées C'est le dernier effort de la rude saison.
Chateau de Prosper Blanchemain Ce fut, dit-on, jadis un paisible couvent Coquettement caché sur les bords où la Creuse Avec un bruit d'écluse, en serpentant se creuse Un lit sonore et frais sous le saule mouvant.
Massifs harmonieux, édens des flots tranquilles, D'oasis aux fleurs d'or innombrables réseaux, Que la vague caresse et que les blonds roseaux Encadrent du fouillis de leurs tiges mobiles.
Encaissé dans un lit aux arêtes rugueuses, Entre deux pans abrupts rongés par le courant, Tout au fond d'un ravin sinueux, le torrent, Avec un bruit confus, roule ses eaux fougueuses.
Cela forme deux rangs de massifs promontoires, Gigantesque crevasse ouverte, aux premiers jours, Par quelque cataclysme, et qu'on croirait toujours Prête à se refermer ainsi que des mâchoires.
L'eau qui se précipite en énorme volume, Heurtant l'angle des rocs sur leur base tremblants, Avec de longs cris sourds roule en tourbillons blancs C'est le fleuve qui prend sa course dans la brume.