Une langue exprimer, autant que la nature
Par l’art se peut montrer, et que par la peinture
On peut tirer au vif un naturel visage :
Autant exprimes-tu, et encor davantage,
Avecques le pinceau de ta docte écriture,
La grâce, la façon, le port et la stature
De celui qui d’Énée a décrit le voyage.
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Tu t’en iras sans moi voir la Cour de mon Prince.
Hé, chétif que je suis, combien en gré je prinsse
Qu’un heur pareil au tien fût permis à mes yeux ?
Là si quelqu’un vers toi se montre gracieux,
Souhaite-lui qu’il vive heureux en sa province :
Mais si quelque malin obliquement te pince,
Souhaite-lui tes pleurs et mon mal ennuyeux.
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Et malheureuse soit la flatteuse espérance,
Quand pour venir ici j’abandonnai la France:
La France, et mon Anjou, dont le désir me point.
Vraiment d’un bon oiseau guidé je ne fus point,
Et mon coeur me donnait assez signifiance
Que le ciel était plein de mauvaise influence,
Et que Mars était lors à Saturne conjoint.
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Jamais ne lira-t-on que cette Idalienne?
Ne verra-t-on jamais Mars sans la Cyprienne?
Jamais ne verra-t-on que Ronsard amoureux?
Retistra-t-on toujours, d’un tour laborieux,
Cette toile, argument d’une si longue peine?
Reverra-t-on toujours Oreste sur la scène?
Sera toujours Roland par amour furieux?
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Le silence, Ronsard, te soit comme un décret.
Qui baille à son ami la clef de son secret,
Le fait de son ami son maître devenir.
Tu dois encor, Ronsard, ce me semble, tenir
Avec ton ennemi quelque moyen discret,
Et faisant contre lui, montrer qu’à ton regret
Le seul devoir te fait en ces termes venir.
Nous voyons bien souvent une longue amitié
Se changer pour un rien en fière inimitié,
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Ton Du Bellay n’est plus: ce n’est plus qu’une souche,
Qui dessus un ruisseau d’un dos courbé se couche,
Et n’a plus rien de vif, qu’un petit de verdeur.
Si j’écris quelquefois, je n’écris point d’ardeur,
J’écris naïvement tout ce qu’au coeur me touche,
Soit de bien, soit de mal, comme il vient à la bouche,
En un style aussi lent que lente est ma froideur.
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Les louanges du roi, et l’héritier d’Hector,
Et ce Montmorency, notre français Nestor,
Et que de sa faveur Henri t’estime digne:
Je me promène seul sur la rive latine,
La France regrettant, et regrettant encor
Mes antiques amis, mon plus riche trésor,
Et le plaisant séjour de ma terre angevine.
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Où l’on voit lamenter tant de chétifs de cour,
Tu as atteint le bord où tout le monde court,
Fuyant de pauvreté le pénible servage.
Nous autres cependant, le long de cette plage,
En vain tendons les mains vers le nautonnier sourd,
Qui nous chasse bien loin: car, pour le faire court,
Nous n’avons un quatrain pour payer le naulage.
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Panjas son cardinal, et moi le mien encore,
Et que l’espoir flatteur, qui nos beaux ans dévore,
Appâte nos désirs d’un friand hameçon.
Tu courtises les rois, et d’un plus heureux son
Chantant l’heur de Henri, qui son siècle décore,
Tu t’honores toi-même, et celui qui honore
L’honneur que tu lui fais par ta docte chanson.
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Je songe au lendemain, j’ai soin de la dépense
Qui se fait chacun jour, et si faut que je pense
A rendre sans argent cent créditeurs contents.
Je vais, je viens, je cours, je ne perds point le temps,
Je courtise un banquier, je prends argent d’avance:
Quand j’ai dépêché l’un, un autre recommence,
Et ne fais pas le quart de ce que je prétends.
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