Du beau Soleil la clarté violente,
Aussi qui void vostre face excellente
Ne peult les yeulx assez fermes tenir.
Et si de près il cuyde parvenir
A contempler vostre beauté luysante,
Telle clarté à voir luy est nuysante,
Et si le faict aveugle devenir.
Que je ne voy’ chose au monde plus belle.
Soit que le front je voye, ou les yeulx d’elle,
Dont la clarté saincte me guyde, et meine:
Soit ceste bouche, ou souspire une halaine
Qui les odeurs des Arabes excelle:
Soit ce chef d’or, qui rendroit l’estincelle
Du beau Soleil honteuse, obscure et vaine:
Ceste beauté, qui decore le monde?
Quand pour orner sa chevelure blonde
Je sens ma langue ineptement mouvoir?
Ny le romain, ny l’atique sçavoir,
Quoy que là fust l’ecolle de faconde,
Aux cheveulx mesme, où le fin or abonde,
Eussent bien faict à demy leur devoir.
D’empestrer l’esle en ces beaulx noeuds epars,
Que çà, et là, doulcement tu depars
Sur ce beau col de marbre, et de porphire.
Si tu t’y prens, plus ne vouldras nous ryre
Le verd printemps: ainçoys de toutes pars
Flore voyant que d’autre amour tu ards,
Fera ses fleurs dessecher par grand’ ire.
Dont fut premier ma liberté surprise,
Amour la flamme autour du coeur eprise,
Ces yeux le traict, qui me transperse l’ame,
Fors sont les neudz, apre, et vive la flamme,
Le coup, de main à tyrer bien apprise,
Et toutesfois j’ayme, j’adore, et prise
Ce qui m’etraint, qui me brusle, et entame.
Un voyle noir etendoit par les cieux,
Qui l’orizon jusqu’aux extremes lieux
Rendoit obscur, et la mer fluctueuse.
De mon soleil la clarté radieuse
Ne daignoit plus aparoitre à mes yeulx,
Ains m’annonçoient les flotz audacieux
De tous costez une mort odieuse.
Le seul filet! yeux, dont l’aveugle archer
A bien sceu mil’,et mil’ fleches lascher,
Sans qu’il en ait oncq’ une en vain tirée.
Toute ma force est en vous retirée,
Vers vous je vien’ ma guerison chercher,
Qui pouvez seulz la playe dessecher,
Que j’ay par vous (ô beaux yeux! ) endurée.
D’un joug captif domte les plus puissans,
La main, qui rend les plus sains languissans,
Debendant l’arc meurtrier qui les coeurs blesse,
La belle main, qui gouverne, et radresse
Les freinz dorez des oiseaux blanchissans,
Quand sur les champs de pourpre rougissans
Guydent en l’air le char de leur maistresse,
Qui, connaissant du feu la semence divine
Etre des animants la première origine,
De substance de feu dit être nos esprits.
Le corps est le tison de cette ardeur épris,
Lequel, d’autant qu’il est de matière plus fine,
Fait un feu plus luisant, et rend l’esprit plus digne
De montrer ce qui est en soi-même compris.
Dont le prince ne voit que par les yeux d’autrui,
N’entend que par ceux-là qui répondent pour lui,
Aveugle, sourd et mut plus que n’est une pierre!
Tels sont ceux-là, Seigneur, qu’aujourd’hui l’on resserre
Oisifs dedans leur chambre, ainsi qu’en un étui,
Pour durer plus longtemps, et ne sentir l’ennui
Que sent leur pauvre peuple accablé de la guerre.